samedi 24 juin 2006

L'ÂGE DE FICTION

Cinq fois la même chose, en réécriture. Ce poème était un exercice de style fait dans mon cours de création littéraire avec Élisabeth Vonarburg. Des mots pigés au hasard, agencement personnel et travail sur le résultat. Je me suis dit que ce serait intéressant de vous montrer le processus de réécriture, surtout que c'est le seul poème sur lequel j'ai autant travaillé. Enfin, avec des conditions d'écriture de départ différentes (restriction d'utiliser certains mots), il faut utiliser d'autres méthodes pour arriver à nos fins. Comme mon intelligence était plus sollicitée que mon inconscient, il m'a fallu le retravailler pour donner quelque chose de bien.

C'est un de mes poèmes préférés, sans doute parce que j'ai beaucoup travaillé dessus. Ce qui est intéressant à voir, ce sont tous les morceaux qui sont là du début à la fin, comme la dernière ligne du poème: "la démarche enfin sereine", comme si le père était prêt à affronter la mort sans broncher. Avec du recul, je relis ce poème comme une hymne baroque à la retraite, après être passé par des souffrances qui ont laissé des cicatrices multiples et un froid de mort. On commence aussi à voir poindre un thème qui sera récurrent dans le deuxième volet et qui continuera dans les deux autres après: le robot, la mécanique déglinguée. Le dessin se profilait quelque peu précédemment. L'esquisse maintenant terminée, on voit le métal dans son éclat frigorifique et sombre. Il n'a plus besoin de se caché...



L'ÂGE DE FICTION
version originale


Avec l’élégance des hivers,
Celle qui peut mourir de mes silences passant
Et le fragile robot des gouffres
Dansent ici dans le bois froid
De la lutte de l’homme solitaire.

Ce soir, je porte ton âme interdite
Et cette faim de passereaux criards désormais ouvrira,
Demain, les glaciers de mon pays
Par la main des printemps si denses
Le jour de l’approche de ce sanglot.

Mais il nous faut voir nos quatre mains venir souffrir !

Le déroulement du cri retourne au mois
Qui diffuse les herbes où va le père,
La démarche enfin sereine.


L’ÂGE DE FICTION
Première réécriture

L’hiver, avec toute son élégance,
Entraîne celle qui peut mourir de ces silencieux passants
Ainsi que le fragile robot des gouffres,
Dans une danse à travers le bois froid
De la lutte solitaire de l’homme.

Ce soir, nous portons son âme interdite
Et cette faim qui lui ronge les os ouvrira,
Demain, les glaciers du monde
Par la main du printemps si dense,
Le jour où ce sanglot viendra.

Mais nous serons témoins de la souffrance de nos quatre mains !

Le déroulement des cris retourne à l’époque
Où les herbes diffuses laisse paraître le père,
La démarche enfin sereine.


L’ÂGE DE FICTION
Deuxième réécriture

Dans la parfaite élégance des hivers,
Celle qui peut mourir de mes silences passagers
Ainsi que le fragile robot des gouffres,
Dansent ici, dans le bois froid
De la fuite de l’homme solitaire.

Ce soir, je porte ton âme interdite sur la neige,
Et cette faim de passereaux criards désormais ouvrira,
Dès demain, les glaciers de mon pays nordique
Par la main des printemps si denses
Le jour de l’approche de ce sanglot gelé.

Mais il nous faut découvrir la souffrance de nos quatre mains !

Le découragement du cri nous renvoie au mois
Qui diffuse et enflamme les herbes où va le père,
La démarche enfin sereine.

L’ÂGE DE FICTION
Troisième réécriture

Je m’entoure dans cet élégant manteau de neige
Avec celle qui peut mourir de mes silences parfois passagers
Et qui danse dans les profondeurs de cette fébrile mécanique,
Ici, dans les racines soufflant la froidure
De l’envol de l’homme dans sa solitude perdu.

Dans la nuit, je porterai ton âme interdite dans les vallées blanches,
Et cette envie de dévorer l’air criard dévoilera,
Dès le lendemain, les glaciers du monde nordique
Dans une frénésie où les printemps, par leurs mains,
Finiront leurs pleurs sur une île de lumière.

Mais il nous faut voir craqueler nos multiples membres dans la souffrance !

La peur dans son cri me renvoie à l’époque
De cette pure vieillesse enflammée par les herbes diffuses où va le père,
La démarche enfin sereine.


L’ÂGE DE FICTION
Version finale

Je m’entoure dans ce manteau de neige
avec celle qui peut mourir de mes silences parfois passagers
et qui danse dans les profondeurs de cette fébrile mécanique
ici
dans les racines souffrant de la froidure
de l’envol de l’homme
dans sa solitude
perdu.

Dans la nuit
je porterai ton âme interdite sur les vallées blanches
et cette envie de dévorer l’air fuyard dévoilera
dès le lendemain
les glaciers du monde nordique
dans une frénésie où les printemps
par leurs mains
finiront leurs pleurs sur une île de lumière infinie.

Mais il nous faut voir craqueler nos multiples membres dans la souffrance !

La peur dans son cri me renvoie à l’époque
de cette pure vieillesse enflammée par les herbes diffuses où va le père
la démarche enfin sereine.

Avril 2001

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