mardi 26 décembre 2006

ANIMISME

Le poème qui fit que le recueil que j'envoyai à quelques maisons d'édition porta le nom de "Comment les animaux devinrent des choses et autres réalités". C'est la prise de vie des objets inanimés, le respir de la nature et des constructions de l'Homme en harmonie devant deux êtres vivants confus et figurants. On parle des Sans-Foi, sans pour autant connaître leur but. La multitude devient l'unité qui devient la dualité qui devient un Tout (qui n'est pas la même chose que la multitude).

Se départir de l'humanité fut l'un des buts de ce quatrième volet. Ne plus être ce que l'être humain est, et en même temps, souffrir de sentiments hors de mon contrôle qui sont le lot des humains. Ce poème est une tentative d'atteinte de la sérénité d'esprit au-delà d'une sérénité de corps qui est à ce moment totalement impossible.


douze ombrelles enlignées devant une chambre à coucher
des bruits de noix qui se cassent
s’entendent de la fenêtre ouvrant sur une mer ensoleillée

des douze
une se brise sous le poids de l’air
rongée miteusement par une harangue défectueuse
l’appui du ciment cède à son tour
et la tour ombragée se montre dans le jour

une poignée d’oiseaux vérantent au-dessus du toit
maculé des déjections acides des volatiles
les sourires pèsent le pour et le contre

en voyant ces images absurdes fondre sur le mur
deux voyageurs se demandent ce qu’est l’affoi
aucune réponse provenant de ces murs
ils n’ont que des oreilles bouchées
alors ils désertent le plancher de marbre
sur lequel ils se tenaient depuis des lustres
et s’étendent à l’extérieur
sur un lit de fleurs parfumées de l’odeur des anges

le souffle court
essoufflement dans la course contre les fourmis
les voyageurs passent leur chemin et ignorent
les murs endormis au milieu du champ de fleurs

dans leur marche sous le soleil d’automne
ils se rendent sur une plage qui se trempe les pieds dans
le sable
mouvant au gré de la pulsation océane

26 juin 2003

LE PÊCHEUR DE MARTELETS

Un petit conte amoureux pour celle que j'aimais à l'époque (Jocelyne) et qui fait suite aux Métamorphoses. Changement de corps et de fonctions, un être Doppelgänger encore lui-même au coeur de la multiplicité...


Je suis un pêcheur de martelets. Ce que j'en fais, c'est cogner fort sur des membranes résistantes. Elles pompent des fluides vivants et le ressentiment émotif exulte toujours quand je pense à toi.

Je suis un constructeur de fleurs. Ce que j'en fais, c'est les étendre dans un lit, pour que nous puissions nous y étendre et nous transformer à notre tour en fleurs odorantes et pleines de couleurs.

Je suis un peintre du ciel. Ce que j'en fais, c'est d'y mettre une étoile pour chaque baiser que je veux te donner, étendue sur le fond, comme sur la surface de ton corps doux et chaud.

Je suis un dompteur de langue. Ce que j'en fais, c'est de la manipuler dans ma bouche pour qu'elle puisse séduire la tienne en une danse soyeuse. Elles seront alors au comble du bonheur.

Je suis un éboueur de pensées. Ce que j’en fais, c’est de me débarrasser du noir attristant qui y règne pour y mettre une joie sans nom. Là vivra une pureté qui éblouira le néant où ne repose que la pénombre.

Je suis un enfant jouant à la cachette. Ce que j’y fais, c’est de t’emmener par la main avec moi dans un lieu secret où nous pourrons dévoiler l’amour qui nous habite, alors que sont comptées les secondes de la réalité, hors de nous.

Je suis un ange de la nuit. Ce que je fais, c’est de parcourir les cieux depuis le point zéro jusqu’à ton lit où je te regarde dormir, telle un ange toi aussi. Je m’étendrai à tes côtés, mes bras t’enlaçant, et le feu nous consumera sans nous faire mal.

Je suis un homme heureux. Ce que je fais, c’est de parcourir chaque centimètre de mon esprit afin que pas un seul endroit ne soit absent de ton image et de l’amour immense que je te porte, bien-aimée Jocelyne. Ne restera que le manque de te revoir bientôt sous une lune qui nous éclairera de ses yeux blancs.

29 mai 2003

jeudi 21 décembre 2006

À L’ORÉE DES ÉTOILES

Jocelyne, la suite. Rêve de nuits torrides, rêves d'infini. Le beau temps avant la tempête intérieure qui en suivra pendant cette année-là. Je ne me rendais pas compte, à ce moment, du bourbier émotionel dans lequel j'allais mettre les deux pieds. Un poème sur le désir inassouvi, perçu simplement sur l'ombre d'un mur, presqu'en ombres chinoises...


deux ombres sur le papier peint de la chambre à coucher
mouvements de lenteur élaborant une symphonie
qui durera une nuit entière

démentir l’orgueil assouvi de jalousie
depuis que le coeur embaume l’atmosphère
point de remords à nourrir
que l’amour habité du soleil
et des nuages au-dessus des eaux bleu foncé

en des caresses légères je suis la route
de ton dos parfumé de mille fragrances
nos silhouettes éclairées seulement par
la lueur de nos yeux
vert sur fond de noir
noir sur fond de nuit
la nuit n’a plus de fin
éternité passée au creux de tes bras
bercé par la douceur de ton sein
les caresses n’ont plus de fin
elles aussi

pluie
à l’orée des étoiles dansent les astres invisibles
une tempête se lève
et nous
de nos ailes d’argent
et nous
sillonnant la mer noire du ciel

des années perdues dans le passé trouble
inaugurent le chant d’Éros

quelle fortune l’amour nous apportera

nos lèvre s’ouvrent pour parler
il n’y a que des oiseaux qui s’en échappent
prêts à nous suivre sur les bords de la Terre
où main dans la main nous suivons la rose
cueillie par un ange aux yeux d’émeraudes

encouragées par les vents du soir
deux ombres sur le papier peint de la chambre à coucher
évoluent gracieusement dans leurs mouvements
cachées derrière la pénombre d’un baiser

aimer le temps qui se hâte de courir
vers ton coeur généreux de son amour

la solitude est un ennui
et sans toi mon âme se languit

28 mai 2003

mardi 19 décembre 2006

L'HOMME PERDU

C'est étrange, mais ce poème, à l'origine, contenait des passages religieux, un peu comme une dérision de, en quelque sorte, comme une prière claudiquante qui lui manquerait un mollet, et un cerveau pour la faire avancer. Mais j'ai oblitéré le tout au passage où les animaux deviennent intelligents.

L'homme perdu est le reflet d'un dieu quelconque qui n'a juste plus sa place dans notre monde, mais aussi un Moi en train de creuser le trou où était enterré l'inconscience de l'inconscient.

Il y a encore ici une influence d'une chanson de Dead Can Dance (In Power We Entrust the Love Advocated) à la fin du poème.


dernier tour de table
une rondeur philosophe sur le coin
comme si les amours allaient en faire l’oubli
fin et souple semble cet œil ouvert et sombre
que la lumière tente de percer de son rayon

le téléphone vide se souvient du temps palpable
et la poussière dévergondée sirote son joint
tout près des moustaches de l’homme perdu qui sourit
courant désespérément à la recherche de son ombre
au lieu de rester là à dire non

fermeture de la pierre philosophale

des déments déboulent dans de drôles de discussions
disons d’eux qu’ils sont mortellement atteints
par un SIDA maintenant muet
ou une syphilis grimpant le long des cheminées
ils ne sont là que pour gouverner
de toute façon

fracture de l’espace entre les atomes

un menuet s’empare de l’œil sombre et ouvert
ballet mécanique dans les bras d’un sillon bleuté
un écrou s’écroule
et laisse voir le ciel gris d’angoisses
sans couleur pour l’accompagner
que va devenir l’électricité

tout part et revient par les mêmes chemins
aucun d’eux ne mène jusqu’à Rome
la poussière l’a effacée de son ombre
où la voûte s’étend de millions de baisers
emportés par un cœur vieilli par l’ennui

tourmente dans le cœur de l’homme perdu
au bout de sa table ne vit que le vide
vase dominant sacré de vérité cachée
vide
le vase
vide
la vérité
les idées penchent plutôt pour les motifs bleus et gris
eau et poussière
ciel et montagnes
vie et mort

tourmente dans le cœur de l’homme perdu
qui voit trois dés au bout de ses doigts
ils attendent d’être jetés une dernière fois
à tout hasard
peut-être pleuvra-t-il en Éthiopie

les interférences devinent un mouvement de tête
vers une horloge sans pendule
ciseaux d’argent coupant des queues
et les animaux deviennent des hommes intelligents
les pères se métamorphosent en criminels volant les vieilles mémés
nous les suivons comme leur ombre

la conscience du monde s’ouvre sur le manque d’acceptation
tourmente dans le cœur de l’homme perdu
le silence tue et se tue à survivre
créé de toute pièce à notre image
il s’abrite là-haut
modelé pour nous pardonner
afin que notre conscience soit en paix
hors des larmes qui peignent les joues de l’homme perdu
il est dégoûté

et toujours ce silence
qui reste là pour laver ces CONSCIENCES vides
l’histoire ne fait donc que se répéter et recommencer
guerres
meurtres
suicides
hypocrisie
orgueil
pouvoir
orgueil
hypocrisie
suicides
meurtres
guerres
pouvoir
le pouvoir symptôme de la fin de notre conscience

un refuge
l’inconscient
où le rêve vogue doucement sur ses ondes
le devenir d’une vie hors de la souffrance
mais envahi peu à peu par les restes décomposés
de la civilisation

nulle part où puisse demeurer l’homme perdu
sinon dans une recherche de l’amour
but ultime oublié par tous
the way lies through our love
there can be no other means to the end
sans lui
à jamais perdues seront les clés de
l’innocence

16 mai 2003

lundi 18 décembre 2006

LES MÉTAMORPHOSES

...Ou la fin d'une trève avec moi-même qui dura trop longtemps. Les chaînes se brisent, laissant peu à peu couler un magma froid et vert d'une inconscience tapageuse qui vient à peine de naître. À travers cette mare sonore, un coeur se met à battre doucement, douloureux dans les premiers battements, mais prenant goût au rythme qui demeure stable. La fin d'un commencement, l'aboutissement de quelque chose se produit enfin. De ce texte enrichi d'émotions fortes, douces, chaudes, amoureuses découlera le reste. Je devrais plutôt dire, les restes d'une mécanique déglinguée trop vieille pour bien fonctionner (ça vous rappelle quelque chose?).

Le quatrième volet est le volet de l'acceptation de ce que je suis dans le monde où je vis. Une acceptation froide, glacée comme les vents nordiques et ascérée comme les griffes d'un aigle sur la chair, mais tout de même une acceptation. Mais c'est avant tout la première véritable rencontre avec Celui qui est en moi, et non le regard d'un Moi face à un miroir. Je l'ai dit plus haut, les chaînes se brisent, et ce magma froid et vert se mettra en ébullition, la folie qui m'habite dansera finalement en harmonie avec moi.

"Les Métamorphoses" n'est donc pas qu'un poème d'amour (toute création finissant toujours par être un monticule d'égoïsme), mais aussi la réconciliation avec le côté lumineux (et cinglé, parce que j'ai toujours considéré mon côté fou comme étant une bonne chose) que j'avais mis sous une cage de verre. Cela reste tout de même une lumière voilée, qui prendra toutes les couleurs au fil des 25 prochains poèmes (des couleurs beaucoup plus brutes et piquantes qu'avant). Bienvenue dans l'alcôve de mon cerveau...

C'est sans doute pour ça que je le considère comme le plus beau poème d'amour que j'ai écrit. Le pire, c'est que ce volet s'est écrit dans une des périodes les plus dures pour moi, côté moral. L'année juste avant que je ne déménage à Montréal. Le point tournant fut ma rencontre avec une flûtiste de Montréal du nom de Jocelyne Roy qui m'a fait péter le coeur tellement j'étais amoureux.

Ce poème était pour elle, ainsi que tout ce quatrième volet.

les feuilles d’un arbre soudain battent l’air
bam…
bam…
au rythme de pas invisibles et prudents
ou d’un cœur qui bat
sur la musique assonante et enivrante

la pluie se met à tomber sur une feuille esseulée
la plus basse sur cet arbre géant
celle que toutes les autres cachent de leur ombre éthérée
elle part dans le vent
suivant toujours ce rythme fantôme
s’envole dans l’air humide et dans le ciel d’azur
vers une plaine verte et fleurie de nénuphars

sur l’un des végétaux se tient une bête poilue aux grands yeux
qui sont des caméléons dans tout ce vert en suspension
et la feuille lentement s’approche
rayonnante d’eau de pluie reflétée par un soleil chaud
elle se pose près de l’hirsute créature
bam…
bam…
le vent de gauche à droite à gauche
fait ployer légèrement les tiges foncées
de ces nénuphars flottant dans l’air
sifflements doux au ras du sol

de ses doigts délicats de bête aux grands yeux
l’énigmatique prend la feuille qui se métamorphose à son touché
crevant l’illusion de la confusion des rencontres
et sous ses yeux à elle
la bête de muter de même

plié sous le poids qui augmente doucement
au rythme de pas invisibles
le nénuphar se rompt
et deux cœurs de suivre leurs mouvements
bam…
bam…
une feuille qui jadis fut se tient là dans la verte plaine
l’angélique aux ailes rayonnantes
qui sous la pluie tombant sur tout
lance à l’être devant elle un sourire émancipateur pour le sentiment
ses mains tiennent ses mains
et d’un cœur répondant à l’autre
bam…
bam…
se joue la musique sortant des herbes trempées
la musique qui perce un regard d’émeraude
oubliant la folie d’un jour sans pluie
qui suit le rythme des gouttes frappant le sol ruisselant

eux
ombres denses aux côtés des nénuphars inondés
par l’entendement des échos d’une clarinette claire
entre le temps du jour et le calque de la nuit

eux
descendant au fond d’un antre formé de plantes aquatiques
transformées en mille bougies éclairant leur voie

eux
suivant le rythme de leurs pas bien visibles
bam…
bam…
débouchant aux confins d’une voûte étrange
cavité circulaire démembrant un volume ouvert aux pages neuf et dix
d’où sortent en volutes multicolores
la Goraan’biopè
image diffuse de multiples rencontrent anticipatrices
envoûtant des peuples animés par les pierres de l’échafaud

eux
n’ont qu’à fermer le livre pour repartir
et annihiler la pensée abstraite d’un manque à la vie
ils n’ont rien à envier aux astres
maintenant devenus vaisseaux fantômes dans la tempête

il ne font que marcher et jouer leur musique
bam…
bam…
au rythme de leur pas les menant au dehors
vers la lumière du soleil pleuvant sur la terre inondée de leurs coeurs

12 mai 2003

samedi 16 décembre 2006

QUATRIÈME VOLET ou LE FESTIN NU DES RÉSIDENTS ERRANTS

Nous voilà rendus proche de la fin, chers lecteurs! Il reste moins d'une quarantaine de poème à mettre ici et nous serons à jour. Le passé aura rattrapé le présent et vous aurez la presque intégralité de mon oeuvre poétique. Il va rester le Dernier Soupir qui n'a pas sa place ici, mais plutôt chez un éditeur. Verra-t-il un jour la lumière? Qui sait?

Le quatrième volet, comme j'en ai parlé plus tôt, ne sera plus teinté des émanations putrides de mon cerveau. Au contraire, quelque chose de nouveau voit le jour, quelque chose d'aussi noir, mais encore plus difficile à saisir. Ce volet se verra teinté des Residents, de Burroughs et de Jocelyne Roy. Surtout d'elle. Le premier poème, dont j'ai déjà parlé à quelques reprises, souligne justement ma rencontre avec elle. Après cette "passe", quelque chose dans mon style a changé et tout deviendra confus, mais en même temps si limpide, nettoyé de tout surplus inutile. Beaucoup seront indéchiffrables, mais il est possible de le faire. Un compagnon d'écriture y est arrivé il y a quelques années.

Suffit pour l'introduction, bientôt viendra la poésie!

dimanche 10 décembre 2006

CRUELLE ÉPOQUE POUR LES EMBROCHÉS

Poème sur la cruauté, le céleste (esprit) prend la place du terrestre (corps). C'est la fin du livre, la fin d'un chapitre dans ma vie où je croyais que plus rien ne se pouvait. Ma période morbide et cruelle se termine ici. J'avoue que ça réapparaîtra tout de même un peu dans les années suivantes, mais à un niveau moindre. "Cruelle époque pour les embrochés" clôt le Troisième Volet, donc.

Une analyse (la dernière très longue) suivra le texte. Elle date pas mal de la même époque et met l'accent sur l'aspect "cruauté" du poème. À lire si ça vous chante!


meubles et friables sont les jours sans rouge au yeux
les métaphores obsolètes déglutissent silencieusement la mémoire
plus que de la merde dans la bouche des éteintes Moires
toujours seules avec le Grand Manque des miséreux

la résonance électrique du cerveau captif dans le gouffre
étonne la grosse portant des lunettes en peau de serpent
elle marche d’une allée à l’autre en traînant ses pieds pesants
écoeurés de soutenir la baleine suivant le courant de soufre
au plus profond des mers inondées de déjections célestes
la roue du chariot se casse
trop de nourriture pour une seule

cri définitif organisé dans les rangées de fiacres
c’est l’apoplexie des mutants hongrois perdus dans la vase des ogres

qui donc chercherait à percer le mystère odieux des antres
des cités obscures

on ne parle que de viande lorsque les gens meurent
ils ont perdu l’appui de leur honneur
vidés de leur sang
ils rongent les restes d’un tank rouillé à demi enterré dans les cadavres
le dernier remède pour ces aboyeurs charognards
demeure la pendaisons par les
testicules
que leur soit recraché le misérable désir du manquement des cloportes arméniens
ceux qui furent si prompts
à revenir sur les lieux du crime
stationnaire

eux ne se refusent l’offrande charitable d’une gorge déployée
bouillonnant sous un soleil ardent

29 mars 2003

Analyse
 
Poème en vers libres. Ce qui se remarque le plus, c’est le manque de ponctuation (j'avoue que maintenant que nous avons passé tous les autres texte, ça ne se remarque plus tellement). Au début, il m’a semblé allant de soi que ce poème n’ait aucune ponctuation. Pourquoi ? Parce que mon processus de création poétique est rendu au point où la ponctuation est une entrave aux mots que j’étends sur papier. La même chose s’est produite avec les majuscules. Pas de point, donc pas de majuscule. On verra, un peu plus loin dans l’analyse, qu’une autre raison vient justifier ce manque de ponctuation.
On constate la présence de la rime dans les huit premiers vers. Elle s’écroule au neuvième vers, comme le chariot dans son écoeurement définitif. L’écroulement du chariot est annoncé par les pieds qui en ont marre de supporter la grosse. Ce groupe de vers (9 à 11) est le point de rupture des règles pour une arythmie de la cruauté. C’est la roue qui se casse qui débalance tout et qui envoie dans ce monde de charognes, de mort, de cruauté. De cruauté humaine qui se voit mourir devant la nature qui se venge par sa propre cruauté, une cruauté céleste qui débute dans l’insondable, dans la noirceur des cités, au plus profond des mers inondées de déjections célestes, et qui se termine devant la lumière ultime, sous un soleil ardent, où la cruauté humaine se fait cruellement carboniser, la gorge déployée (sous-entendant « gorge tranchée »).
La cruauté humaine, elle, commence avec le manque et se termine dans le manque. Dans la première strophe, il est question du destin fini des humains (éteintes Moires) où le langage du passé (les métaphores obsolètes, donc symbole eux-mêmes) dévore sournoisement ce même passé et ses symboles, conduisant l’humanité devant une impasse : le manque psychanalytique. Prenons ces deux vers, le quatrième et le vingt-troisième, où il est question du manque :
- toujours seules avec le Grand Manque des miséreux
- […] le misérable désir du manquement des cloportes arméniens
La misère est présente dans les deux vers et sert à qualifier le désir dans le deuxième. Les miséreux sous-entendent donc les miséreux désirs. Le Grand Manque de désir. Qui conduit à la fin au désir du manque, un manque ridicule laissé à une bande de cloportes qui ne savent que se faire la guerre (cloportes arméniens). Le poème montre comme étant une vraie torture l’absence de désir, même s’il nous fait parfois rougir les yeux (1ier vers), mais justement, la souffrance nous tient debout. Et savoir qu’on a ce manque nous le fait désirer, mais tout aboutit au néant. C’est la cruauté définitive (cri définitif, 12ième vers) qui se met en branle pour construire ce poème.
Un autre non-sens apparent fait surface à partir du 16ième vers : les morts rongeant les restes d’un tank rouillé à demi enterré dans les cadavres. Je montre ici les cités de fers perdues dans la cruauté de la guerre qui mène à la décrépitude. Cette idée de morts mangeant leurs morts illustre l’état même de la guerre qui envoie des frères se battre entre eux pour des broutilles, et ça semble toujours venir des mêmes (lieux du crime stationnaire, donc qui reste sur place). Mais même dans la mort, ils réussissent à crier pour tout avoir, ces aboyeurs charognards. La pendaison par les testicules, acte d’une cruauté ignoble, signifie l’arrêt de la reproduction de ces charognards. L’être humain est montré comme un corps vide (vidés de leur sang), indigne (ils ont perdu l’appui de leur honneur) et décadent (on ne parle que de viande).
Le manque est symbolisé par le noir (gouffre, au plus profond des mers inondées de déjections, antres, cités obscures), et le raisonnement, l’intelligence humaine (la résonance électrique du cerveau) sont captés par ce noir, avalée. C’est ainsi que la ponctuation et les majuscules disparaissent du poème. Le manque les a dévorées. Lorsque les morts (hommes) tentent de percer à jour cette noirceur, seule la mort les attend, parce que la lumière au bout du tunnel est trop forte et cruelle pour eux.
C’est donc par le manque obscur qu’est créée la cruauté, la sauvagerie démente illustrée par l’association hongrois/ogres au 13ième vers. Le mot « ogre » est en effet un dérivé du mot « hongrois », apparu à l’époque médiévale pour caractériser ce peuple dévoreur et destructeur lors des attaques barbares à la fin du IXième siècle[1]. Ces ogres s’attaquent aux deux classes sociales les plus nuisibles aux humains, celles qui en font des cadavres se dévorant entre eux. J’ai illustré les deux classes par deux véhicules : le chariot et le fiacre. Le chariot représente l’univers du travail, de la bourgeoisie de la grosse baleine (qui, avec ses lunettes en peau de serpent, symbolise le mal ultime, car le serpent est la figure du mal biblique). Le fiacre symbolise le monde aristocratique, le divertissement, et c’est à travers ces classes qu’est lancé le cri. Dans l’esprit du texte, ces deux classes représentent la même chose et tout doit s’écrouler dans une cruelle barbarie. C’est pourquoi apoplexie est pris dans le sens suivant : c’est le début brutal de la fin.
On peut qualifier ce texte d’hymne à la cruauté, où tout, du début à la fin, s’effrite, se casse, se fait avaler, meurt et tombe. Mais c’est surtout pour montrer à quoi mène la cruauté : à la destruction de tout, thème qui reviendra beaucoup plus puissamment lorsque j’analyserai le troisième poème, sur la furie. La cruauté est une forme de destruction autant physique (pendaison par les testicules) que psychologique (la résonance électrique du cerveau) et ce poème veut montrer que dans un état de manque, c’est la cruauté qui prime pour assouvir ce manque (par les aboyeurs charognards).
[1] BALARD, Michel, Jean-Philippe GENET et Michel ROUCHE. Le Moyen Âge en Occident, Paris, Hachette Livre, coll. Histoire Université, 1990, p. 89.

samedi 9 décembre 2006

SCHIZOFREÏNA

...N'importe quoi sera bon pour ne plus penser (dis-je dans le commentaire de Deur'b), la solution fut le revirement vers moi-même et la confrontation de ce Moi-même infernal. Ce revirement est une montée, comme si mon esprit était plus haut que mon corps, un esprit en colère de porter de trop lourds souvenirs. De cette hauteur, il faut redescendre, mouvement de vague incessant.
Ce poème pousse la robotisation de mon être une coche plus loin, mais c'est sur un mur que je me frappe. Je ne peux plus faire un pas de plus vers mon intérieur. Aller plus loin est la folie du Chaos Désharmonisé, une folie brutale et insensée, une folie qui n'a plus conscience de la vie et qui rend toute chose moribonde. Ne pas confondre "esprit" et "âme" dans ce poème. L'âme, ici, est une partie intégrante du corps et ne peut en être dissociée. D'où les couleurs de cette âme, état physique d'Être dans un inconfort obligé.

La viande est de retour (à la fin du poème), cette viande saignante qui a peuplé presque tout ce Troisième Volet. Cette viande qui fut mon corps jeté aux oubliettes, meurtri par l'oubli de conscience. C'est pour cette raison que le Troisième Volet se termine par ce poème intérieur (sans oublier le poème qui viendra juste après!!!) et voguant dans les hautes sphères. Le corps malade et dénié ici, il sera martirisé au plus haut point dans le poème suivant, le poème que je vous parle depuis presque le début de ce blog: "Cruelle époque pour les embrochés".

Je vous laisse à votre lecture!


élévation de la pensée surhumaine en déroute
déjà je sens venir à moi les cris de fureur incomprise
quand en attente du levé de l’univers argenté de givre
pullulent un millier d’amas poussiéreux de spasmes oculaires

je descends tout au fond
là où l’esprit rejette l’envie des autres et se mure de rêves
de songes d’errance solitaire au sommet d’Érel le guetteur
lui qui écoute sans juger la pensée des flots immolés

le regard
importance naguère ultime
traverse les choses palpables à l’envers desquelles l’oubli reste
il ne peut n’y avoir que l’outil du silence
à l’intérieur de ce crâne chevelument terne de souvenirs
implacable résistance devant la Mère qui fut le berceau humain
c’est en conduisant l’attelage du Soleil que j’aspire la Terre
tout au fond du caniveau de mon esprit
le moribond avait peur de naître sans lui-même
alors que la vie s’est emparée de tous les êtres célestes

les paupières closes
je dérange l’ordre intérieur autrefois solidement ancré
le fracas insolite endort le reste du système originaire
et mes sens perdent pour peu leurs sens
et ces imbéciles me laissent seul avec lui
de l’autre côté du monticule ossuaire de ma propre personne
deux êtres réflectifs
se refusant un unique regard pourtant fondamental
ils sont enfermés là où j’ai désir d’oublier
derrière les portes souillées de la civilisation désossée
sans plus la moindre parcelle de viande comestible

indifférent aux peuples frappant au-delà des fers
il ne me reste plus qu’à retourner ronger les couleurs de mon âme

16 mars 2003

mardi 5 décembre 2006

DEUR’B

Des pensées en folie, déréglées, portrait d'un jeune adulte ne comprenant plus le monde qui l'entoure... La parole s'étouffe, n'importe quoi sera bon pour ne plus penser...


Deur’b in lamentations quéligarythmiques
breach d’amnésie hantisée de cacodéfragmentation
la circuitrie rebranchée dévoile les spasmes
masticulation de mammifères disjonctés et sans vie
Deur’b
un oliphant dégrossi affuble rieusement l’affect
or donc affairé à s’affaiblir devant l’idylle
les peurs s’affaissent d’elles-mêmes dans la peur
lenteur des ombicéphales elles face contre leurs fèces
perdition du désir
manque de sentiment amoureux impuisible
ne reste que lanternes magiques illuminant le soleil
défendu en sa demeure de manger la langue
déblatérer incessamment pour l’éternité sur le néant
rien d’autre à branler de paroles consistantes et larvaires
bla bla bla le Deur’b s’enterre au milieu de la chair
clouant chaque parcelle de violence méningique au cœur des os
un trou pour passer
un trou pour repasser
un dernier pour forniquer sans sexe et sans gloire
laissant une peau respirant trop de ses trous de métal
noir sur un blanc lavé par les pluies aristotéliciennes
ombre de cafard sur le mur des embûches éthérées
Deur’b
de ses larmes vaporeuses et cassantes un rayon de néther
langueur défectueuse qui signifie l’acte de merder
quand enfin après plusieurs millième d’infini
les êtres défaits s’engouffrent à travers une terre hydrophobe
entendant frapper sans entrer dans leurs corps
silhouette désertée sûrement par l’envie de se divertir
Deur’b
déportation précipitée des capithèses enveloppées de gris
horloge dérégularisée en fonction du corps céleste
depuis le départ du sentigme le mot se meurt dans sa bouche
et dans la mienne se morfond la vue des songes interdits

nothing lasts forever

15 mars 2003

ACIETISACIÒN DEL AMOR

La crystalisation est un sous-thème récurrent dans mes écrits. Quelque chose se construit, mais termine toujours sa vie au milieu de quelque chose, incapable d'avancer plus loin. Ici, c'est la crystalisation de l'amour qui prend racine dans l'incapacité d'exprimer des sentiments réels. Ou plutôt, dans le manque de moyens pour exprimer ces sentiments, tout de même présents dans ce Corps-Crystal que je suis en train de devenir à cette époque. Le sentiment se transforme en une sculpture d'acier, empêchant tout de bouger: le coeur, le cerveau, le corps. Tous commençant par la lettre "C"... Crystalisation d'un acier prêt à fendre pour ne laisser que des débris d'Être...


Toujours là blafarde nuée de souvenirs
Des heures passées à marcher hors du temps vieillissant
Une plongée dans cette eau d’un bleu transparent
Irrigue la peur qui assaille le peu d’avenir
Oublié pour un instant jamais assez long

C’est un sourire qui réveille l’appui d’un cœur dément
Sourire avilissant le mal à sa racine pourrie
Afin que naisse derrière le feu agonisant qui me nourrit

Les ombres nettes et dessinées sur le haut jugement
Enseignent aux risques d’oser caresse ce doux mamelon
Qui tenu pour la vie entraîne l’élan des oiseaux déplumés
À voler tout au fond des entrailles aux yeux voilés

Demain le vide
Plurielle avenance en pure langueur
Si le retour n’en a cure un seul instant
Inutile de le nier
Le melting pot disjonctif s’engage à perpétuité
Dans un cerveau humain aciétisé d’illuminations

Orage au cœur de l’Amazone
Elle ne peut que se défaire d’un sillon vital
Immolé devant l’autel de l’amour
Holocauste futile pour l’étranger athée jusqu’à la moelle

Trop accusée d’images déconstruites
Elle pourrait prêter son cœur à l’Éteigneur
Danser un sentiment heureux

Supposition d’une malédiction
Pour signifier qu’il parle mal
Lorsque vient le temps d’amoriser

20 février 2003

lundi 4 décembre 2006

LE MINOTAURE

la spirale descendante soupire aux fins du Minotaure
cornes suspendues
elles n’attendent que par le désordre des pendus
divines querelles d’embonpoint des moustaches
la férule idiomatique s’enchaîne aux arbres pétrifiés
qui s’emparent des sabots propulsifs des saboteurs

que l’abordage engage les sages sur les nuages
je ne nie pas que l’âge soulage l’entourage
or le minage des nécrophages ménage les mirages
idylle de l’aréopage qui tranche les apanages du bovin mythique
en tant que mélomane d’hécatombes soupçonneuses
je ne vois que des muscles inutilisés et atrophiés par le vide
les haches affilées réagissent à l’ouvrage de trancher
dans la substance phonétique du rêve éternel

révolte au milieu des peuples croyants
et la peur
qui évanouit le plus pur désir d’assouvir les pleurs

le Minotaure part à la chasse avec en ses mains une hache à deux mains
la brandissant comme un vulgaire bâton de bois
il fonce à toute allure vers la cité aux lois innombrables
hachant menus tout être se trouvant sur son chemin

il en a assez des héros voulant le posséder
il en a assez de se voir continuellement pointé du doigt comme un monstre
alors il fait en sorte de le devenir pour une raison valable
tranchant tête après tête
jusqu’à ce que ses pas l’arrêtent devant les murs
ces murs indestructibles
qu’il déchire à coups de poings

une fois dans la place publique
la ronde infernale peut enfin débuter
de ses poils hérissés sortent des fleurs de cactus d’un rouge éclatant
un saignement de tripes prolongeant ses bras robustes

il fond sur la brique et disparaît dans les failles
créant un tremblement du sol
les demeures hautes s’écroulent
musique apaisante aux oreilles de l’enragé
qui n’est plus qu’un amas de végétaux
prenant place aux côtés de la pierre cassée

c’est ainsi que fut créée la douve odorante des Minotaures
où tout un peuple fut jadis anéanti
pour n’avoir pas cesser de craindre ses rêves

13 février 2003

samedi 2 décembre 2006

LA FIN MÈNE À LA DIX-HUITIÈME DIVINATION

Voilà ma première véritable tentative à laisser mon cerveau faire ce qu'il veut sous une seule contrainte: aucune utilisation du "R". Le poème dans son ensemble ne veut pas dire grand chose, mais c'est une véritable délice vocal. Lisez-le à haute voix, vous verrez! :O) Quelques vers sont aussi de vrais bijoux! Mes préférés? "Ses bas sentent les pieds de tout un monde" et "Et les éléphants deviennent des égouts comestibles".


mnémonique mimésie douce sans elle
on ébauche les choses cassantes et belles
c’est un deuil des feuilles en manque d’étoffes
si ce bout de tissus emboutit le bouton off
vivant dans une piscine pleine de chiens
avalant les talons hauts de la tête des biens
non pas que les minutes passent aussi lentement
que les chapeaux volants d’un Bobino dément
c’est que je devine la face cachée de l’oxygène
si peu dans un pot plein de petites gènes
maladies congénitales souvent négligées
avec une souplesse édentée je me tiens figé
je bondis au-dessus de la table faite de coton
et je visite le peuple des plaines du limon
mais je ne suis qu’un nain dans ce vieux moule
imitation individuelle d’un puceau maboule
flattant les poils chauves de mon menton sans visage
mes yeux se piquent à la musique du Citoyen
occupé à ses tâches déitiques de lavage
ses bas sentent les pieds de tout un monde
bidules à cinq nez qui vomissent les moyens
je suis enfin devant les moyens, les petits et les obèses
une foule au bout du chemin de la baise
ensommeillé de nébuleuses qui m’inondent
j’abois haut dans le ciel ce mal dedans
sans de demande à l’homme chevelu du Liban
et le moisi s’invite sous mes ongles solides
discipline de ninja dans sa phase anale
mes démons se saoulent de ce doux acide
qui de vous sait ce qu’est le manque vital
celui de tous les oiseaux pendus dans le Cosmos
dans la nuit je m’assois silencieusement avec cécité
aveugle et l’âme en peine sans aucune volonté
divaguant au sujet de la pièce manquante de Cadmos
et envoyant ma main aux baleines décomposées de l’océan
comme un poche se vidant sous la maison des malins diligents
qui s’époumone depuis des siècles à la tâche nuisible
et les éléphants deviennent des égouts comestibles
si peu d’assimilation chez le cactus et le coyote
si peu d’alphabétisation dans les plaines amazoniennes
comment s’écoulent les plaintes sans un monocycle
les jambes se fixent elles aussi à la vue d’un mensuel cycle
au faces ensoleillées des inondations pubiennes
que le feu assainit avec le géant aux pâles bottes
la symphonie cesse d’elle-même quand vient le temps des amants
hommage du paisible qui se voit poussé dans le vent aimant
et qui se meut de ses genoux comme la viande flotte dans son sang
illuminé qu’il est du divin assis à côté du divan

9 février 2003

vendredi 1 décembre 2006

CRASSE

Version améliorée de "Ode au Gras". Plus sombre, plus pessimiste, plus étendu. C'est tout un peuple qui se voit avalé par une machine qu'ils ont construite mais sur laquelle ils n'ont plus aucun contrôle. Comme plusieurs trappes (physiques et psychiques), il est aisé d'y entrer, mais tellement difficile d'en sortir...

C'est comme si on s'habituait à cet état de prison et que le cerveau finissait par se construire de la même façon, essayant à son tour de construire le monde et les gens qui l'entourent de cette façon. C'est le problème du cercle viscieux qui fait alors surface et la peur de l'extérieur surgit: on ne veut pas se faire prendre dans ce piège. On a finit par être trop bien dans sa propre crasse...


habitants des ordures
ces ordures endurent la dure symphonie de la poubelle
clairons encrassés de merde
de restants stomacaux
et de sperme séché

vite
il faut fuir cet immonde plateau humide et chaud
affronter la froidure du dehors dangereux
puissent-ils célébrer enfin la pureté
et non l’impureté

épreuve insoutenable qui dure des jours
ils sont prisonniers
torturés de toutes parts par la Crasse
des croûtes épaisses s’amoncèlent sur leurs corps déjà souillés
papillons morts et poussière volatile
se fondant en une gélatine qui absorbe les habitants écoeurés

il semble que la Crasse s’épaissit chaque jour
chaque inspiration devient de plus en plus ardue
et certains expirent avant la fin

vers les derniers jours
lorsque la lumière salvatrice se fait enfin voir
la plupart se sont habitués à leur état d’ordure
et ont fait de la Crasse leur amie convoitée

les autres peinent et regrettent ceux perdus
ils montent éternellement
semble-t-il
leurs bras fatigués s’agrippent péniblement aux ordures
et leurs jambes sont retenues par les bras des Rats
les convertis tentent de ramener les autres vers les tréfonds
dans le bas-ventre d’une entité grossissant maintenant à vue d’œil
dans la bouche béante et puante
à qui il aurait été sage de dire :
« la mort est moins pire que ta puanteur !
que tes muqueuses explosent et s’imprègnent de la Crasse
avale-la tout entière
que nous puissions déguerpir vite fait de ce lieu trop familier ! »
le silence de la servitude est le seul à répondre
et à se répandre sur ceux qui luttent encore

bien des générations passent ainsi
témoins de l’expansion déficiente de la Crasse
et l’oubli de la lumière
naguère seule source d’espoir et de conscience
l’oubli vient réconforter les Rats
tous

embranchements de boyaux
c’est tout ce qui anime les habitants des ordures
marcher au milieu de leur inconfort inconnu
est tout ce qu’il connaîtront jusqu’à leur mort
la Crasse
elle
ne cesse de s’étendre autour d’eux
et dans leurs esprits
l’ordre dure

2 février 2003