jeudi 28 septembre 2006

LE COFFRET DES SONGES

Un poème à deux voix. Quelque peu confondant au premier abord, mais on devine le tracé qui oriente vers la création, encore une fois. Beaucoup de questionnements durant cette époque, surtout parce que je me botte le cul pour écrire des textes pour des gens que j'aime (celui-ci pour mon grand frère). Je me rends de plus en plus compte de la nécessité du partage. Garder tout pour moi est égocentrique et inutile et j'ai toujours aimé les visages d'incompréhension ou tout simplement les tentatives de compréhension totalement à côté de la plaque (que j'ai vues plusieurs fois sur la figure de collègues universitaires). Donc, questionnement, mais aussi essai sur la possibilité d'utilisé le rêve comme source d'art. Beaucoup sont passés avant moi sur cette route, peu importe.

L'idée derrière le texte reste la constante négation de la réalité, l'extermination de toute pensée rationnelle...


(à Claude)

J’écoute les ondes de cet étang venir vers moi

Pourquoi ?
Puis-je te poser une question ?

Bien sûr
Que ne ferais-je point pour toi
Ô âme pudique et tremblante dans mon cœur

Que devient ton coffret où les songes entrent sans invitation ?

Que me dis-tu là
Petite impromptue ?
Dans mon esprit reposent tous les rêves
Toutes les idées que j’aurais pu avoir sans l’oubli
Et sans les nuages qui flottent au-dessus de cette tête blanchissante

Je suis trop vieux pour éteindre la moindre parcelle de brouillard
Mais je sais que rien n’est perdu tant que le coffret reste en sûreté
Bien que gauche tu sois
Petit cœur aimable et aimant
À droite se tient le souffle éternel
Qui te poussera à te vider
À créer des mondes excentriques et illusoires
Mais ô combien délicieux

Constatation mineure sur les tours du verger
Les vents se promènent avec les sourire
Sur les lèvres des souris malicieuses
Leurs moustaches tremblotent de curiosité
Les petites pattes se laissent aller vers l’avant
Un acte de bravoure face au précipice blanc les poursuivant
Pour les attraper
Et les faire fondre dans une cuvette de plutonium

Y a-t-il mieux que la nébulosité pour jouir de son imagination ?

Le maximum d’engouement peut river le cœur sur une pierre
Si plus rien ne peut alimenter
Ce petit réceptacle parfois vide de sens
Pourtant toujours rempli d’un quantité d’absurde farfelu

Plus petits seront les songes
Plus grand sera le coffret
Quantité sur qualité
Existence sur le néant
Retour à la case départ
Des jours finissant dans le sommeil

29 décembre 2001

lundi 25 septembre 2006

MAISON DE PAPIER

Numériel quinte (de toux)! Feu intérieur, impulsion créatrice. Une architecture qui se construit au fil de la pensée, un poème dans un poème. Je lance ici l'idée que l'histoire existe avant même qu'on l'écrive. Elle attend, fébrile, qu'une âme en peine vienne la réveiller de sa plume. Elle est un devenir en gestation, dans la même idée que nous existons avant même notre conception (malgré mes réserves sur la question).

C'est un peu comme le potentiel humain, qu'est-ce qu'on deviendra plus tard, comment évoluons-nous suite à des événements anodins ou bouleversants? Serons-nous le monstre qui dort au plus profond de chacun de nous ou deviendrons-nous un robot ayant la totale emprise sur ses émotions, un être créé par l'éducation, les lettres, la création et la destruction de toutes ces choses? "The path is traced", comme diraient certains lunatiques religieux. Je dirais plutôt que ce tracer est tout simplement décidé d'avance par un subconscient atteint par la doctrine du "meilleur après". Les gens établissent donc leur vie par rapport à cela.

Inutile d'en dire plus sur le sujet, l'importance est nulle et ce n'est même pas ce vers quoi je voulais me diriger...

Prenez la pureté, blanche, douce, ondulant sous un vent fin, percez-la de la pointe d'un crayon dans tous les sens possibles. Voilà la Création! C'est la tention du vide latent (l'idée ou le concept) avec l'activité de deux noyaux en fission (l'esprit et la matière). Il faut une énergie incroyable pour parvenir à cela. C'est pourquoi l'histoire non-née dont j'ai parlé plus haut finit par créer elle-même sa propre histoire. C'est aussi ça la Création: une part de l'homme transformée en matière morte, car c'est la mort que l'homme sait créer le mieux.


(à Jacques)

Elle voit tout de la fenêtre ouverte
Cette jeune demoiselle enflammée par l’air vivant et froid
Qui pénètre en bourrasques frêles

Les murs craquent silencieusement
Sans même laisser la moindre fissure de détachement
Et dehors les arbres volent en rond
Ils perdent leur feuillage doré dans la tempête

Un arbre né sans feuille
Marche tranquillement sur le chemin noir
Il semble dessiner sa route
Vers la maison devenue un océan de vagues blanches
Mais une bagatelle le freine pendant quelques instants
Le faisant tomber de toute sa hauteur
Risquant de se casser
Et de laisser cette maison de bois converti
Accueillir le néant des inquiets sans tâche

L’affolement se perçoit dans les yeux de la jeunette
Qui voudrait bien sortir pour l’aider
Mais qui n’est pas encore écrite pour inventer
La pensée dans son esprit

Elle est enfermée entre ces murs de papier
Peut-être à tout jamais
Et l’inaction la fait maintenant agir

Un crayon entre ses doigts pâles se manifeste alors
Une rage incalculée renvoie sa peur dans le vide
Elle se met elle aussi à voler dans la demeure
Tentant de percer la faible couche de blanc
Ne s’apercevant pas qu’au-dessus d’elle s’est relevé l’arbre
Voltigeant autour de la maison de papier
Réécrivant l’histoire de la jeune demoiselle
Qui regarde la tempête à l’extérieur
Enflammée par l’air froid
Et ne pouvant pas sortir de sa demeure pour aider le monde
À imaginer une plus grande route
Pour que le crayon dans sa main ne casse sous le poids des nuages
Où mille éclairs surgissent pour brûler le plomb des fusils à idées

Plus tard
On verra qu’il ne reste que la maison
Vide
Atteinte du syndrome
De la page blanche

28 décembre 2001

mercredi 20 septembre 2006

ELLERIUM FUGACE

Poème éthéré, le numéro quatre de ma série de six. Il fera partie d'un des derniers chapitres du "Dernier Soupir" lorsque je complèterai le texte dans l'été de 2003.


(à Lise)

Derrière un écran de brouillard diffus
Les harpes sonores font écho au chant du vent
Et les belles hirondelles volant dans l’air d’acier
Ne peuvent que deviner ce qui jadis fut
Rien de grand pour ceux qui vivent d’avant
Que le regard à travers le voile vicié

Rois et roublards
Preux et lâches
Nul indice des aveux autrefois soufflés
À l’oreille des seigneurs du Mont Érel

Il pousse sur cette montagne
Une fleur inconnue
Portant le parfum enivrant des airs nocturnes
Répandant son odeur abstraite
Aux confins d’Era
Le monde des rêves oubliés

L’Ellerium Fugace
Meurt au jour suivant sa naissance
Comme une explosion de beauté majestueuse
Guère plus éblouissante
Que la Nova éphémère
Fondant dans le vide obscur de l’univers

L’air se réchauffe
Et le monde fusionne avec la réalité
Deux fois deux images arrêtées
Font que les idées coïncident avec le quart d’un siècle débutant dans la vitesse
Vitesse rythmée à la lumière des harpes de cendre
Qui dévalent le Mont sur des chevaux de souvenirs abrupts

Ces souvenirs rayonnent tel un soleil dans leurs yeux
Car le jour se lève derrière la montagne aux fleurs fugitives
Et les seigneurs se réveillent d’un rêve où ils donnaient
À un ange aux yeux de feu
Cette Ellerium Éternelle
Cachée au sommet du Mont Érel
L’unique témoignage de la vie
Au-delà d’un soupir
Au-delà d’un regard
Au-delà d’un sourire
Au-delà de la vie elle-même
Emportés qu’ils seront par leur amour
Et le bonheur cosmique émanant de ce songe
Trop réel pour aboutir au néant

25 décembre 2001

dimanche 17 septembre 2006

LES ÉLÉPHANTS

Numéro trois. Le temps passe et finit toujours par rattraper tout le monde. C'est pourquoi je trouve ridicule toutes les expressions avec le mot temps: "le temps c'est de l'argent", "je n'ai pas le temps", "le temps est précieux", etc... Le temps n'est qu'un concept inventer par l'homme pour contrôler l'homme et pour l'empêcher de s'envoler vers l'aléatoire. Dans notre société, le calcul est une norme; si chaque chose n'est pas calculée à la seconde près, c'est une catastrophe digne du World Trade Center.

Mais le temps fait partie du Cycle. La vie sans Cycle ne peut être, sinon c'est le déréglement et rien ne peut se réchapper. Mais si c'était possible d'abolir la notion du temps, qu'adviendrait-il de nous qui sommes si rythmés aux pulsions des saisons? La folie, à coup sûr. Je rêve du jour où cela se produira...

Pour ces bons souvenirs de temps passés avec notre famille, celui est pour ma plus vieille soeur (mais pas vieille, en fait!)...

*Une analyse plus poussée a été ajoutée le 24 octobre 2006 à la fin du poème.
 

(à Christine)

Suivant une ombre volubile
Les enfants des ormes entrent en trombe
Dans une demeure en flammes liquides

La suite vante une trompe fort habile
Des éléphants sans cornes dans leur tombe
Cent lunes se meurent sans âme avide

Tout ceux-là
À regarder autour sans mot dire
Semblent hisser leur esprit cahoteux
Dans une éternelle attente
Heureux de voir quand servent les avirons

Sur son lit de sommeil
L’ombre attire le temps entre ses doigts
Et le fait pleuvoir sur une fillette
Devenue grand-mère

Les mémoires s’enchantent du spectacle
Mais l’effacement des minutes
Fait que les antres obscures se referment
Par-dessus les cœurs

Tout sur arrêt dans un temps disparu

En l’espace d’un souffle de l’univers
Un voix s’élève depuis les étoiles
Et entonne le chant de la cristallisation éphémère
Où toute l’aversion des peuples
Se meurt à son tour
Suivant les satellites
Vers les cités stellaires

Retour d’un rêve de désirs sans peur
D’une vie aux côtés d’un voûte astrale cendrée de poussière cosmique et brillante

Les éléphants ouvrent leurs yeux rocheux
Et regrettent le temps perdu

Les collines disparaissent déjà derrière les éclairs du soir
Car enfin
Pendant tout ce temps envolé dans le vide
Les fleurs bourgeonnaient et le vent rageait
Les animaux gambadaient et l’eau doucement respirait
Mais plus de temps pour les éléphants

24 décembre 2001

Analyse (Les extraits du poèmes seront mis en italique)

Toute l’idée du temps qui passe est présente dans la première strophe. On y perçoit très facilement le tourbillon, le mouvement incessant (suivant, volubile, trombe, flammes liquides) provoqué par une ombre. Pour ce qui est du feu, il devient liquide, donc il coule comme de l’eau. L’eau est un élément très important présent dans tout le poème. C’est pourquoi on a besoin de se servir d’avirons pour naviguer sur la rivière du temps. L’eau est aussi représentée à travers l’espace : suivant les satellites / vers les cités stellaires. C’est une déportation vers l’océan stellaire et le rêve semble vouloir conduire sur cet océan temporel. L’eau symbolise le temps en lui-même, tout comme l’ombre symbolise le temps dans son mouvement et tout comme, plus loin, les éléphants symbolisent le temps dans son arrêt.
Mais tout n’est pas aussi simple, et le déséquilibre entre ces trois forces se défait dans la deuxième strophe. Une distorsion s’effectue et c’est cela qui est retenue dans le reste du poème, alors il serait important de voir comme elle s’effectue. C’est par le niveau phonétique que j’ai voulu faire une résonance, une réflexion avec la première strophe, mais, et c’est là qu’arrive la distorsion, cette fois-ci, rien ne bouge. Le mouvement reflété devient une image immobile. Les éléphants sont dans leur tombe, les lunes se meurent sans âme. L’élément de la fixité fait son apparition, tout comme les éléphants. Il existe donc une contradiction entre l’ombre et les éléphants, mais en regardant d’un peu plus près, quelque chose semble clocher. Les éléphants symbolisent le temps dans sa fixation, illustré par leur rapport avec le rocher (esprit cahoteux, yeux rocheux), mais c’est l’ombre qui semble posséder le pouvoir d’arrêter le temps (sur son lit de sommeil / l’ombre attire le temps entre ses doigts), alors qu’elle est le temps lui-même passant comme une ombre toujours en mouvement. Et ce sont les éléphants qui en pâtissent à la fin du poème.
Tout ceux-là, on le voit bien maintenant, ce sont les éléphants aux esprits ancrés sur l’infini, l’éternité (éternelle attente) qu’ils veulent arrêter dans leurs rêves. L’ombre représente aussi les éléphants dans leurs rêves. Quoi de plus onirique qu’une vie aux côtés d’une voûte astrale cendrée de poussière cosmique et brillante, finalement, une vie à contrôler le temps ? Il y a une certaine confusion entre le rêve et la réalité (tout comme la confusion entre l’ombre et les éléphants), ce rêve de tous les humains (ou presque) de pouvoir arrêter le temps. Mais à force de rêver, ils ne s’aperçoivent pas du temps qui passe et il leur file entre les doigts (d’où l’image de l’ombre capable d’agripper le temps). L’appel du monde céleste (relié au rêve), fait par l’ombre (une voix s’élève depuis les étoiles / et entonne le chant de la cristallisation éphémère), sert à retarder le réveil des éléphants (qui symbolisent aussi les humains voulant affronter le temps : les éléphants vivent vieux et sont des mastodontes). Mais le poème le dit, l’arrêt du temps ne peut être que temporaire (cristallisation éphémère) et le réveil se fait dans le regret du temps perdu.
Après ces observations, on peut finalement dire que l’ombre et les éléphants s’unissent en une espèce de purée confuse pour reconstruire la rivière du temps (la voûte astrale) qui se remet à couler au réveil des éléphants : les éléphants ouvrent leurs yeux rocheux / et regrettent le temps perdu.
La dernière strophe reprend l’idée de la première, celle du mouvement perpétuel, du cycle répété se terminant par le courant des eaux (les collines disparaissent déjà derrière les éclairs du soir, les fleurs bourgeonnent, le vent rage, les animaux gambadent, l’eau doucement respire).
En ce qui a rapport avec l’ombre, son lieu est l’obscurité (les antres obscurs), et si on associe ces lieux à ceux de Cruelle époque pour les embrochés, les antres seraient aussi le lieu du manque, mais ici du manque de temps.
Le temps est mentionné cinq fois dans le poème, et cinq fois il est hors de portée, sauf pour l’ombre. Voyons ces passages :
- L’ombre attire le temps entre ses doigts
- Tout sur arrêt dans un temps disparu
- Et regrettent le temps perdu
- Pendant tout ce temps envolé dans le vide (vide mis pour le rêve)
- Mais plus de temps pour les éléphants
En fait, ce poème pourrait être une sorte de Recherche du temps perdu, mais sans que le temps ne soit retrouvé. J’ai aussi voulu dire dans ce poème que « perdre son temps » est l’une des choses les plus magiques du monde, même si on ne peut pas le rattraper, sinon dans le souvenir… Nous ne sommes, dans la vie de l’univers, qu’un de ses battements de cils (l’ombre attire le temps entre ses doigts / et le fait pleuvoir sur une fillette / devenue grand-mère), et l’effacement des minutes, cette perte de temps si importante pour l’homme (« le temps c’est de l’argent »), ne signifie rien pour un esprit que le temps ne vieillit pas.

vendredi 15 septembre 2006

LE NAVIRE FANTÔME

Deuxième de la "série familiale". La création d'un mythe à partir de la vie de tous les jours. C'est toujours comme ça que ça commence, en fait. Fait surface aussi l'ambiguïté sur tout. Sont-ce des pirates, des plaisantins, se font-ils enlever par des extra-terrestres, ou voient-ils leur plus affreuses peurs se réaliser? On ne sait pas trop, et ça n'a pas trop d'importance. Ce qui compte ici, c'est la marque que laisse un événement dans le temps et l'espace sur les générations futures...

Se précise peu à peu ma vision du temps qui portera beaucoup plus dans le troisième de cette série.


(à Martin)

En cachette derrière un pavillon noir
Les jeunes gens de mer se chuchotent à l’oreille
Mutinerie dans l’air
Ou peut-être une déclaration d’amour

Sur le pont arrière
Suivant la musique du Nord
Accordéon et violon en cacophonie
La danse prend part à la fête
Et les matelots n’en ont que pour
Leur pieds

« Sommes-nous esclaves de l’océan
Plions-nous devant la tempête
Quand les pleutres se cachent sous leur lit
Que peut-il arriver aux anges marins
Dans le soubresaut d’un navire »

La luminosité se fait alors croissante
Sous le croissant de la faible lune
Et les regards se tournent vers le firmament
Devenu pâle de son vert éclat

L’incompréhension tout autour
Attaque les matelots
Les sourcils se froncent
Les bouches s’ouvrent
Muettes
L’esprit s’emmêle et se tord
Sauf pour les deux jeunes gens de mer
Affairés de paroles
Mots indicibles sans doute
Mais jamais plus les sons ne couvriront l’étendue
Infinie de toutes parts

Des années plus tard
D’autres navires passeront
Et l’équipage ne pourra s’empêché
D’accueillir
Impuissants
Le frisson indescriptible
Parcourant leur épine dorsale voûtée

19 décembre 2001

lundi 11 septembre 2006

NEIGE SUR LE PAN DU RÊVE ENDORMI

Le premier poème d'une série de six que je pourrais nommer la "suite familiale". :O) Ce sont des textes que j'ai écrits pour mes frères et soeurs ainsi que pour mes parents lors pour la nouvelle année 2002. Ce poème est aussi le début du troisième tome de la trilogie de l'Ange Noir (aka Ancien Nord), la suite du Dernier Soupir. Il marque aussi la fin de l'Idéal, l'épanouissement de la toute puissance en une nouvelle chose: le vivant. Poème organique, malgré sa froideur...


(à Chantale)

La rigueur du fou porté par le vent
Entre dans ce mou disque vert rampant.
Ses yeux noirs brillants scintillent d’étoiles.
Alors, regardant à travers le voile
Il disparaît en fin de son voyage
Tout en recouvrant d’un pan son visage.

Lune et marées montantes
Voyez
Sentez ce doux parfum de l’écume d’un rêve
Où de multiples années
Ne peuvent endormir la tempête
Tournoyant sans cesse dans un espace gestuel
Dont les larmes
Tombées sur ses joues
Se transforment en cristaux
Plus blancs que le vide
Plus acérés que l’amour

Un indicible appétit pour la réalité
Meurt en un souffle
Quand
Frappé par l’horloge immobile
Le rêve enlève l’étoffe gelée
Qui serpentait les sinueux contours de son visage
Son voyage
Terminé pour lui
Amorce celui des êtres de sang

Ils fabulent la joie ou la peine
Peu leur importe
Mais depuis déjà dix millénaires
Le soleil s’est éteint
Il neige sur le pied des montagnes
Il neige sur les côtes des cieux
Il neige sur la tête des étoiles
Et le rêve ne se termine
Qu’une fois les larmes séchées
Par un fou porté par un vent charmeur

Un astre s’endort, le sourire enjoué,
Sur le sol, dehors, froid et enrhumé.
Il est transporté tout près de sa sœur
Qui veille sur lui en versant des larmes,
Neige sur le pan du rêve endormi.

18 décembre 2001

dimanche 10 septembre 2006

JAMAIS PLUS

Un emprunt à ce cher Poe pour le titre. Le reste est tout autrement différent. Le poème est presque une parodie, de toute façon (on n'a qu'à lire les deux premiers vers). Mais c'est aussi sur la cacophonie du moment, l'extermination de toute pensée rationnelle qui laisse place à l'indicible et redoutable espoir de quelque chose de meilleur qui pourrait arriver, mais qui n'arrivera jamais. Une croix sur le songe d'amour. Toujours cette transparence aqueuse de l'Autre qu'on ne peut jamais toucher, mais qui demeure, toutefois. Tourments grotesques, et la vie finit par rester la même, malgré tout...


Une poule sur une mur
Qui picote du pain dur
Fable inconsistante et machiavélique
Beurre flasque et fibreux dégoulinant
Dix conversations
Et une seule oreille pour toutes les écouter
Regarde ces fleurs
Qui chantent
Ces petites lumières duveteuses
Là-haut
Plus rien
Que les heures qui passent
Et ma langoureuse envie de boire ce miel
Pourquoi toujours et jamais plus
Jamais plus de pensées vides
Jamais plus de pensées furtives
Jamais plus de papiers échangés
Jamais plus de baisers volés au vol
Ses bras se rapprochent
Et me traversent tout entier
Pour fuir dans le néant éternel
Perdu dans la pure chandelle d'un regard creux
Mû par l'inquiétante étrangeté
Musique tourbillonnant dans ses membres fluides
Mous
Fondant peu à peu
Mais sans jamais disparaître

Jamais plus

1 décembre 2001

jeudi 7 septembre 2006

LUEURS

Dimanche il pleuvait sur les têtes
Des gens dansant sur la rue
Remplie elle était
Vide dans son sens
Rivaliser dans la neige noire
N'était que leur envie
Senteur de pêche aux lèvres pâles
Leurs yeux forestiers
Fantômes paranoïaques imbus d'éphémère
Surent vivre hantés par le ciel

Une goutte de cette eau pénètre leurs vêtements
Déjà imbibés d'une chaleur poussiéreuse
Illuminée par des lueurs pourpres
sous les lampadaires symboliques du progrès effectif
Excessif dans un tout fébrile
Les os cassés des maladies lunaires
Empêchés par la nébulosité de l'espace urbain
Rigoureusement disparaissent de la réalité

21 novembre 2001

lundi 4 septembre 2006

BONHEUR

Les derniers moments d'un vieille femme dans son lit de mort, les murs maculés de blanc, une odeur d'antiseptique flottant dans l'air. La mort dans un hôpital. Un poème court, des secondes dans le temps. Tout se passe en un claquement de doigt bénéfique...

On se demande pourquoi le gouvernement n'a pas encore établi le droit à la mort pour qu'il devienne aussi important que le droit à la vie. La société actuelle n'a plus aucun respect pour la mort. On invente des organes artificiels, on transforme les humains en robots, on découvre des médicaments tellement puissants qu'ils détruisent l'organisme en même temps que le virus ciblé et surtout, on étire la souffrance de milliers de personnes pour ce soit-disant "droit à la vie" qui est en fait une "obligation à la vie". Une personne qui veut mourir devrait avoir droit au même respect que celle qui veut vivre. A-t-on déjà vu des procès faits à des médecins qui ont tout fait pour maintenir une personne en vie alors que celle-ci n'avait de souhait que le repos du néant? Non, mais le premier qui ira débrancher les poumons d'acier d'un vieux qui ne réclame que la mort se verra poursuivi par son hôpital, la famille du mort, l'Église et bien d'autres encore que je dois oublier... Enfin... Home sweet home, comme disaient les bûcherons d'Antarctique.


Ses dents grincent se brisent
Son regard vide
Souffle coupé de toux
Fièvre langoureuse
La Mort à son oreiller
Elle est heureuse

21 novembre 2001

vendredi 1 septembre 2006

LA PORTE DÉGLINGUÉE

Pieds de nez à la mort, coup de feu sur le symbole occidentale, depuis l'ère industrielle jusqu'à nos jours. La déification d'un corps en putréfaction par le simple fait que nous le le regardons, impassible. Aussi, un amour toujours impossible à atteindre (encore). Des clichés s'introduisent, on voit qu'il en a marre de l'éphémère, mais qu'en même temps, le résultat final dépend toujours seulement de lui...


Tu es si perceptive
Douce forme étendue
Sur un lit suspendu
Où je te tiens captive

Tu fais de cette spirituelle nourriture
Un amas ragoûtant de pourriture
Quand enfin je te laisse partir
Vers le lieu où tu ne peux mourir

Insipide
Insipide
Insipide
Ainsi sur la plaine intrépide
Sentons-nous cet air putride
Cet air que tu ne respires plus
Où se répand le souffle acide
Dans un vent qui t’a déplu
Et partout
Conséquemment
Le choc
Qui se moque de nos esprits en loques
Sournoiserie du départ
Bouffonnerie d’un léopard

Ta silhouette féline à l’horizon
Très lentement s’estompe
Roche (papier, ciseaux)
Caillou (choux, genoux)
Point (à la ligne)
Je finis par lâcher prise
Et laisse la folie m’emporter vers toi

Répétition clichectuelle
Plus je m’avance
Plus tu t’éloignes
Plus je courre
Plus tu t’efface
Plus j’en ai marre
Plus rien ne compte
Que ce compte-rendu
Rendu insignifiant par manque de
Signifiance

Me réveillant enfin
Non
Le sommeil ne peut être aussi réel
Le soleil ne peut être ponctuel
Mais il ne fait que dégoutter
Sur la tête chauve du chanvre
Cancéreux de vie

Finissez-en avec la misère
Gentes mesquines et grotesques
Point eussiez-vous estimer le silence
Qu’en estant mestres de vos bers
Que non pas l’orgueilleuse farce
Puisse engloutir l’esprit ravagé
Sur la ceinture de métal et de fils
Enserrant de sa force les gorges mestresses
Riant des oies que ne savent dire que « oc ! »
Oyez les nuages flottant en vos âmes
Laissez l’orage vous pénétrer

Ne sentez-vous pas une puissance inconnue
Mystérieuse amie vous hurlant au nez
« Eh ! L’abruti !
Tu as laissé filer la seule entité
Ayant pu te donner la vie
Détruire ce que tu prônes
Et te ressusciter ! »

Je suis dans le même mélangeur à ordures
Hormis ma tête qui vogue sur les fils
D’un violon magnifique
Jouant cet air
Permettant à l’âme
De quitter le cerveau
Je l’ai fait
Elle l’a fait
Les autres tournent stupidement
Les autres pleurent inutilement
Les autres meurent rapidement

Peur
Dégoût
Paranoïa
Ciel obscurci par l’aile débile
D’un aigle aveugle de symboles
Qui ne signifient
Que l’absurde

16 novembre 2001