mardi 26 décembre 2006

ANIMISME

Le poème qui fit que le recueil que j'envoyai à quelques maisons d'édition porta le nom de "Comment les animaux devinrent des choses et autres réalités". C'est la prise de vie des objets inanimés, le respir de la nature et des constructions de l'Homme en harmonie devant deux êtres vivants confus et figurants. On parle des Sans-Foi, sans pour autant connaître leur but. La multitude devient l'unité qui devient la dualité qui devient un Tout (qui n'est pas la même chose que la multitude).

Se départir de l'humanité fut l'un des buts de ce quatrième volet. Ne plus être ce que l'être humain est, et en même temps, souffrir de sentiments hors de mon contrôle qui sont le lot des humains. Ce poème est une tentative d'atteinte de la sérénité d'esprit au-delà d'une sérénité de corps qui est à ce moment totalement impossible.


douze ombrelles enlignées devant une chambre à coucher
des bruits de noix qui se cassent
s’entendent de la fenêtre ouvrant sur une mer ensoleillée

des douze
une se brise sous le poids de l’air
rongée miteusement par une harangue défectueuse
l’appui du ciment cède à son tour
et la tour ombragée se montre dans le jour

une poignée d’oiseaux vérantent au-dessus du toit
maculé des déjections acides des volatiles
les sourires pèsent le pour et le contre

en voyant ces images absurdes fondre sur le mur
deux voyageurs se demandent ce qu’est l’affoi
aucune réponse provenant de ces murs
ils n’ont que des oreilles bouchées
alors ils désertent le plancher de marbre
sur lequel ils se tenaient depuis des lustres
et s’étendent à l’extérieur
sur un lit de fleurs parfumées de l’odeur des anges

le souffle court
essoufflement dans la course contre les fourmis
les voyageurs passent leur chemin et ignorent
les murs endormis au milieu du champ de fleurs

dans leur marche sous le soleil d’automne
ils se rendent sur une plage qui se trempe les pieds dans
le sable
mouvant au gré de la pulsation océane

26 juin 2003

LE PÊCHEUR DE MARTELETS

Un petit conte amoureux pour celle que j'aimais à l'époque (Jocelyne) et qui fait suite aux Métamorphoses. Changement de corps et de fonctions, un être Doppelgänger encore lui-même au coeur de la multiplicité...


Je suis un pêcheur de martelets. Ce que j'en fais, c'est cogner fort sur des membranes résistantes. Elles pompent des fluides vivants et le ressentiment émotif exulte toujours quand je pense à toi.

Je suis un constructeur de fleurs. Ce que j'en fais, c'est les étendre dans un lit, pour que nous puissions nous y étendre et nous transformer à notre tour en fleurs odorantes et pleines de couleurs.

Je suis un peintre du ciel. Ce que j'en fais, c'est d'y mettre une étoile pour chaque baiser que je veux te donner, étendue sur le fond, comme sur la surface de ton corps doux et chaud.

Je suis un dompteur de langue. Ce que j'en fais, c'est de la manipuler dans ma bouche pour qu'elle puisse séduire la tienne en une danse soyeuse. Elles seront alors au comble du bonheur.

Je suis un éboueur de pensées. Ce que j’en fais, c’est de me débarrasser du noir attristant qui y règne pour y mettre une joie sans nom. Là vivra une pureté qui éblouira le néant où ne repose que la pénombre.

Je suis un enfant jouant à la cachette. Ce que j’y fais, c’est de t’emmener par la main avec moi dans un lieu secret où nous pourrons dévoiler l’amour qui nous habite, alors que sont comptées les secondes de la réalité, hors de nous.

Je suis un ange de la nuit. Ce que je fais, c’est de parcourir les cieux depuis le point zéro jusqu’à ton lit où je te regarde dormir, telle un ange toi aussi. Je m’étendrai à tes côtés, mes bras t’enlaçant, et le feu nous consumera sans nous faire mal.

Je suis un homme heureux. Ce que je fais, c’est de parcourir chaque centimètre de mon esprit afin que pas un seul endroit ne soit absent de ton image et de l’amour immense que je te porte, bien-aimée Jocelyne. Ne restera que le manque de te revoir bientôt sous une lune qui nous éclairera de ses yeux blancs.

29 mai 2003

jeudi 21 décembre 2006

À L’ORÉE DES ÉTOILES

Jocelyne, la suite. Rêve de nuits torrides, rêves d'infini. Le beau temps avant la tempête intérieure qui en suivra pendant cette année-là. Je ne me rendais pas compte, à ce moment, du bourbier émotionel dans lequel j'allais mettre les deux pieds. Un poème sur le désir inassouvi, perçu simplement sur l'ombre d'un mur, presqu'en ombres chinoises...


deux ombres sur le papier peint de la chambre à coucher
mouvements de lenteur élaborant une symphonie
qui durera une nuit entière

démentir l’orgueil assouvi de jalousie
depuis que le coeur embaume l’atmosphère
point de remords à nourrir
que l’amour habité du soleil
et des nuages au-dessus des eaux bleu foncé

en des caresses légères je suis la route
de ton dos parfumé de mille fragrances
nos silhouettes éclairées seulement par
la lueur de nos yeux
vert sur fond de noir
noir sur fond de nuit
la nuit n’a plus de fin
éternité passée au creux de tes bras
bercé par la douceur de ton sein
les caresses n’ont plus de fin
elles aussi

pluie
à l’orée des étoiles dansent les astres invisibles
une tempête se lève
et nous
de nos ailes d’argent
et nous
sillonnant la mer noire du ciel

des années perdues dans le passé trouble
inaugurent le chant d’Éros

quelle fortune l’amour nous apportera

nos lèvre s’ouvrent pour parler
il n’y a que des oiseaux qui s’en échappent
prêts à nous suivre sur les bords de la Terre
où main dans la main nous suivons la rose
cueillie par un ange aux yeux d’émeraudes

encouragées par les vents du soir
deux ombres sur le papier peint de la chambre à coucher
évoluent gracieusement dans leurs mouvements
cachées derrière la pénombre d’un baiser

aimer le temps qui se hâte de courir
vers ton coeur généreux de son amour

la solitude est un ennui
et sans toi mon âme se languit

28 mai 2003

mardi 19 décembre 2006

L'HOMME PERDU

C'est étrange, mais ce poème, à l'origine, contenait des passages religieux, un peu comme une dérision de, en quelque sorte, comme une prière claudiquante qui lui manquerait un mollet, et un cerveau pour la faire avancer. Mais j'ai oblitéré le tout au passage où les animaux deviennent intelligents.

L'homme perdu est le reflet d'un dieu quelconque qui n'a juste plus sa place dans notre monde, mais aussi un Moi en train de creuser le trou où était enterré l'inconscience de l'inconscient.

Il y a encore ici une influence d'une chanson de Dead Can Dance (In Power We Entrust the Love Advocated) à la fin du poème.


dernier tour de table
une rondeur philosophe sur le coin
comme si les amours allaient en faire l’oubli
fin et souple semble cet œil ouvert et sombre
que la lumière tente de percer de son rayon

le téléphone vide se souvient du temps palpable
et la poussière dévergondée sirote son joint
tout près des moustaches de l’homme perdu qui sourit
courant désespérément à la recherche de son ombre
au lieu de rester là à dire non

fermeture de la pierre philosophale

des déments déboulent dans de drôles de discussions
disons d’eux qu’ils sont mortellement atteints
par un SIDA maintenant muet
ou une syphilis grimpant le long des cheminées
ils ne sont là que pour gouverner
de toute façon

fracture de l’espace entre les atomes

un menuet s’empare de l’œil sombre et ouvert
ballet mécanique dans les bras d’un sillon bleuté
un écrou s’écroule
et laisse voir le ciel gris d’angoisses
sans couleur pour l’accompagner
que va devenir l’électricité

tout part et revient par les mêmes chemins
aucun d’eux ne mène jusqu’à Rome
la poussière l’a effacée de son ombre
où la voûte s’étend de millions de baisers
emportés par un cœur vieilli par l’ennui

tourmente dans le cœur de l’homme perdu
au bout de sa table ne vit que le vide
vase dominant sacré de vérité cachée
vide
le vase
vide
la vérité
les idées penchent plutôt pour les motifs bleus et gris
eau et poussière
ciel et montagnes
vie et mort

tourmente dans le cœur de l’homme perdu
qui voit trois dés au bout de ses doigts
ils attendent d’être jetés une dernière fois
à tout hasard
peut-être pleuvra-t-il en Éthiopie

les interférences devinent un mouvement de tête
vers une horloge sans pendule
ciseaux d’argent coupant des queues
et les animaux deviennent des hommes intelligents
les pères se métamorphosent en criminels volant les vieilles mémés
nous les suivons comme leur ombre

la conscience du monde s’ouvre sur le manque d’acceptation
tourmente dans le cœur de l’homme perdu
le silence tue et se tue à survivre
créé de toute pièce à notre image
il s’abrite là-haut
modelé pour nous pardonner
afin que notre conscience soit en paix
hors des larmes qui peignent les joues de l’homme perdu
il est dégoûté

et toujours ce silence
qui reste là pour laver ces CONSCIENCES vides
l’histoire ne fait donc que se répéter et recommencer
guerres
meurtres
suicides
hypocrisie
orgueil
pouvoir
orgueil
hypocrisie
suicides
meurtres
guerres
pouvoir
le pouvoir symptôme de la fin de notre conscience

un refuge
l’inconscient
où le rêve vogue doucement sur ses ondes
le devenir d’une vie hors de la souffrance
mais envahi peu à peu par les restes décomposés
de la civilisation

nulle part où puisse demeurer l’homme perdu
sinon dans une recherche de l’amour
but ultime oublié par tous
the way lies through our love
there can be no other means to the end
sans lui
à jamais perdues seront les clés de
l’innocence

16 mai 2003

lundi 18 décembre 2006

LES MÉTAMORPHOSES

...Ou la fin d'une trève avec moi-même qui dura trop longtemps. Les chaînes se brisent, laissant peu à peu couler un magma froid et vert d'une inconscience tapageuse qui vient à peine de naître. À travers cette mare sonore, un coeur se met à battre doucement, douloureux dans les premiers battements, mais prenant goût au rythme qui demeure stable. La fin d'un commencement, l'aboutissement de quelque chose se produit enfin. De ce texte enrichi d'émotions fortes, douces, chaudes, amoureuses découlera le reste. Je devrais plutôt dire, les restes d'une mécanique déglinguée trop vieille pour bien fonctionner (ça vous rappelle quelque chose?).

Le quatrième volet est le volet de l'acceptation de ce que je suis dans le monde où je vis. Une acceptation froide, glacée comme les vents nordiques et ascérée comme les griffes d'un aigle sur la chair, mais tout de même une acceptation. Mais c'est avant tout la première véritable rencontre avec Celui qui est en moi, et non le regard d'un Moi face à un miroir. Je l'ai dit plus haut, les chaînes se brisent, et ce magma froid et vert se mettra en ébullition, la folie qui m'habite dansera finalement en harmonie avec moi.

"Les Métamorphoses" n'est donc pas qu'un poème d'amour (toute création finissant toujours par être un monticule d'égoïsme), mais aussi la réconciliation avec le côté lumineux (et cinglé, parce que j'ai toujours considéré mon côté fou comme étant une bonne chose) que j'avais mis sous une cage de verre. Cela reste tout de même une lumière voilée, qui prendra toutes les couleurs au fil des 25 prochains poèmes (des couleurs beaucoup plus brutes et piquantes qu'avant). Bienvenue dans l'alcôve de mon cerveau...

C'est sans doute pour ça que je le considère comme le plus beau poème d'amour que j'ai écrit. Le pire, c'est que ce volet s'est écrit dans une des périodes les plus dures pour moi, côté moral. L'année juste avant que je ne déménage à Montréal. Le point tournant fut ma rencontre avec une flûtiste de Montréal du nom de Jocelyne Roy qui m'a fait péter le coeur tellement j'étais amoureux.

Ce poème était pour elle, ainsi que tout ce quatrième volet.

les feuilles d’un arbre soudain battent l’air
bam…
bam…
au rythme de pas invisibles et prudents
ou d’un cœur qui bat
sur la musique assonante et enivrante

la pluie se met à tomber sur une feuille esseulée
la plus basse sur cet arbre géant
celle que toutes les autres cachent de leur ombre éthérée
elle part dans le vent
suivant toujours ce rythme fantôme
s’envole dans l’air humide et dans le ciel d’azur
vers une plaine verte et fleurie de nénuphars

sur l’un des végétaux se tient une bête poilue aux grands yeux
qui sont des caméléons dans tout ce vert en suspension
et la feuille lentement s’approche
rayonnante d’eau de pluie reflétée par un soleil chaud
elle se pose près de l’hirsute créature
bam…
bam…
le vent de gauche à droite à gauche
fait ployer légèrement les tiges foncées
de ces nénuphars flottant dans l’air
sifflements doux au ras du sol

de ses doigts délicats de bête aux grands yeux
l’énigmatique prend la feuille qui se métamorphose à son touché
crevant l’illusion de la confusion des rencontres
et sous ses yeux à elle
la bête de muter de même

plié sous le poids qui augmente doucement
au rythme de pas invisibles
le nénuphar se rompt
et deux cœurs de suivre leurs mouvements
bam…
bam…
une feuille qui jadis fut se tient là dans la verte plaine
l’angélique aux ailes rayonnantes
qui sous la pluie tombant sur tout
lance à l’être devant elle un sourire émancipateur pour le sentiment
ses mains tiennent ses mains
et d’un cœur répondant à l’autre
bam…
bam…
se joue la musique sortant des herbes trempées
la musique qui perce un regard d’émeraude
oubliant la folie d’un jour sans pluie
qui suit le rythme des gouttes frappant le sol ruisselant

eux
ombres denses aux côtés des nénuphars inondés
par l’entendement des échos d’une clarinette claire
entre le temps du jour et le calque de la nuit

eux
descendant au fond d’un antre formé de plantes aquatiques
transformées en mille bougies éclairant leur voie

eux
suivant le rythme de leurs pas bien visibles
bam…
bam…
débouchant aux confins d’une voûte étrange
cavité circulaire démembrant un volume ouvert aux pages neuf et dix
d’où sortent en volutes multicolores
la Goraan’biopè
image diffuse de multiples rencontrent anticipatrices
envoûtant des peuples animés par les pierres de l’échafaud

eux
n’ont qu’à fermer le livre pour repartir
et annihiler la pensée abstraite d’un manque à la vie
ils n’ont rien à envier aux astres
maintenant devenus vaisseaux fantômes dans la tempête

il ne font que marcher et jouer leur musique
bam…
bam…
au rythme de leur pas les menant au dehors
vers la lumière du soleil pleuvant sur la terre inondée de leurs coeurs

12 mai 2003

samedi 16 décembre 2006

QUATRIÈME VOLET ou LE FESTIN NU DES RÉSIDENTS ERRANTS

Nous voilà rendus proche de la fin, chers lecteurs! Il reste moins d'une quarantaine de poème à mettre ici et nous serons à jour. Le passé aura rattrapé le présent et vous aurez la presque intégralité de mon oeuvre poétique. Il va rester le Dernier Soupir qui n'a pas sa place ici, mais plutôt chez un éditeur. Verra-t-il un jour la lumière? Qui sait?

Le quatrième volet, comme j'en ai parlé plus tôt, ne sera plus teinté des émanations putrides de mon cerveau. Au contraire, quelque chose de nouveau voit le jour, quelque chose d'aussi noir, mais encore plus difficile à saisir. Ce volet se verra teinté des Residents, de Burroughs et de Jocelyne Roy. Surtout d'elle. Le premier poème, dont j'ai déjà parlé à quelques reprises, souligne justement ma rencontre avec elle. Après cette "passe", quelque chose dans mon style a changé et tout deviendra confus, mais en même temps si limpide, nettoyé de tout surplus inutile. Beaucoup seront indéchiffrables, mais il est possible de le faire. Un compagnon d'écriture y est arrivé il y a quelques années.

Suffit pour l'introduction, bientôt viendra la poésie!

dimanche 10 décembre 2006

CRUELLE ÉPOQUE POUR LES EMBROCHÉS

Poème sur la cruauté, le céleste (esprit) prend la place du terrestre (corps). C'est la fin du livre, la fin d'un chapitre dans ma vie où je croyais que plus rien ne se pouvait. Ma période morbide et cruelle se termine ici. J'avoue que ça réapparaîtra tout de même un peu dans les années suivantes, mais à un niveau moindre. "Cruelle époque pour les embrochés" clôt le Troisième Volet, donc.

Une analyse (la dernière très longue) suivra le texte. Elle date pas mal de la même époque et met l'accent sur l'aspect "cruauté" du poème. À lire si ça vous chante!


meubles et friables sont les jours sans rouge au yeux
les métaphores obsolètes déglutissent silencieusement la mémoire
plus que de la merde dans la bouche des éteintes Moires
toujours seules avec le Grand Manque des miséreux

la résonance électrique du cerveau captif dans le gouffre
étonne la grosse portant des lunettes en peau de serpent
elle marche d’une allée à l’autre en traînant ses pieds pesants
écoeurés de soutenir la baleine suivant le courant de soufre
au plus profond des mers inondées de déjections célestes
la roue du chariot se casse
trop de nourriture pour une seule

cri définitif organisé dans les rangées de fiacres
c’est l’apoplexie des mutants hongrois perdus dans la vase des ogres

qui donc chercherait à percer le mystère odieux des antres
des cités obscures

on ne parle que de viande lorsque les gens meurent
ils ont perdu l’appui de leur honneur
vidés de leur sang
ils rongent les restes d’un tank rouillé à demi enterré dans les cadavres
le dernier remède pour ces aboyeurs charognards
demeure la pendaisons par les
testicules
que leur soit recraché le misérable désir du manquement des cloportes arméniens
ceux qui furent si prompts
à revenir sur les lieux du crime
stationnaire

eux ne se refusent l’offrande charitable d’une gorge déployée
bouillonnant sous un soleil ardent

29 mars 2003

Analyse
 
Poème en vers libres. Ce qui se remarque le plus, c’est le manque de ponctuation (j'avoue que maintenant que nous avons passé tous les autres texte, ça ne se remarque plus tellement). Au début, il m’a semblé allant de soi que ce poème n’ait aucune ponctuation. Pourquoi ? Parce que mon processus de création poétique est rendu au point où la ponctuation est une entrave aux mots que j’étends sur papier. La même chose s’est produite avec les majuscules. Pas de point, donc pas de majuscule. On verra, un peu plus loin dans l’analyse, qu’une autre raison vient justifier ce manque de ponctuation.
On constate la présence de la rime dans les huit premiers vers. Elle s’écroule au neuvième vers, comme le chariot dans son écoeurement définitif. L’écroulement du chariot est annoncé par les pieds qui en ont marre de supporter la grosse. Ce groupe de vers (9 à 11) est le point de rupture des règles pour une arythmie de la cruauté. C’est la roue qui se casse qui débalance tout et qui envoie dans ce monde de charognes, de mort, de cruauté. De cruauté humaine qui se voit mourir devant la nature qui se venge par sa propre cruauté, une cruauté céleste qui débute dans l’insondable, dans la noirceur des cités, au plus profond des mers inondées de déjections célestes, et qui se termine devant la lumière ultime, sous un soleil ardent, où la cruauté humaine se fait cruellement carboniser, la gorge déployée (sous-entendant « gorge tranchée »).
La cruauté humaine, elle, commence avec le manque et se termine dans le manque. Dans la première strophe, il est question du destin fini des humains (éteintes Moires) où le langage du passé (les métaphores obsolètes, donc symbole eux-mêmes) dévore sournoisement ce même passé et ses symboles, conduisant l’humanité devant une impasse : le manque psychanalytique. Prenons ces deux vers, le quatrième et le vingt-troisième, où il est question du manque :
- toujours seules avec le Grand Manque des miséreux
- […] le misérable désir du manquement des cloportes arméniens
La misère est présente dans les deux vers et sert à qualifier le désir dans le deuxième. Les miséreux sous-entendent donc les miséreux désirs. Le Grand Manque de désir. Qui conduit à la fin au désir du manque, un manque ridicule laissé à une bande de cloportes qui ne savent que se faire la guerre (cloportes arméniens). Le poème montre comme étant une vraie torture l’absence de désir, même s’il nous fait parfois rougir les yeux (1ier vers), mais justement, la souffrance nous tient debout. Et savoir qu’on a ce manque nous le fait désirer, mais tout aboutit au néant. C’est la cruauté définitive (cri définitif, 12ième vers) qui se met en branle pour construire ce poème.
Un autre non-sens apparent fait surface à partir du 16ième vers : les morts rongeant les restes d’un tank rouillé à demi enterré dans les cadavres. Je montre ici les cités de fers perdues dans la cruauté de la guerre qui mène à la décrépitude. Cette idée de morts mangeant leurs morts illustre l’état même de la guerre qui envoie des frères se battre entre eux pour des broutilles, et ça semble toujours venir des mêmes (lieux du crime stationnaire, donc qui reste sur place). Mais même dans la mort, ils réussissent à crier pour tout avoir, ces aboyeurs charognards. La pendaison par les testicules, acte d’une cruauté ignoble, signifie l’arrêt de la reproduction de ces charognards. L’être humain est montré comme un corps vide (vidés de leur sang), indigne (ils ont perdu l’appui de leur honneur) et décadent (on ne parle que de viande).
Le manque est symbolisé par le noir (gouffre, au plus profond des mers inondées de déjections, antres, cités obscures), et le raisonnement, l’intelligence humaine (la résonance électrique du cerveau) sont captés par ce noir, avalée. C’est ainsi que la ponctuation et les majuscules disparaissent du poème. Le manque les a dévorées. Lorsque les morts (hommes) tentent de percer à jour cette noirceur, seule la mort les attend, parce que la lumière au bout du tunnel est trop forte et cruelle pour eux.
C’est donc par le manque obscur qu’est créée la cruauté, la sauvagerie démente illustrée par l’association hongrois/ogres au 13ième vers. Le mot « ogre » est en effet un dérivé du mot « hongrois », apparu à l’époque médiévale pour caractériser ce peuple dévoreur et destructeur lors des attaques barbares à la fin du IXième siècle[1]. Ces ogres s’attaquent aux deux classes sociales les plus nuisibles aux humains, celles qui en font des cadavres se dévorant entre eux. J’ai illustré les deux classes par deux véhicules : le chariot et le fiacre. Le chariot représente l’univers du travail, de la bourgeoisie de la grosse baleine (qui, avec ses lunettes en peau de serpent, symbolise le mal ultime, car le serpent est la figure du mal biblique). Le fiacre symbolise le monde aristocratique, le divertissement, et c’est à travers ces classes qu’est lancé le cri. Dans l’esprit du texte, ces deux classes représentent la même chose et tout doit s’écrouler dans une cruelle barbarie. C’est pourquoi apoplexie est pris dans le sens suivant : c’est le début brutal de la fin.
On peut qualifier ce texte d’hymne à la cruauté, où tout, du début à la fin, s’effrite, se casse, se fait avaler, meurt et tombe. Mais c’est surtout pour montrer à quoi mène la cruauté : à la destruction de tout, thème qui reviendra beaucoup plus puissamment lorsque j’analyserai le troisième poème, sur la furie. La cruauté est une forme de destruction autant physique (pendaison par les testicules) que psychologique (la résonance électrique du cerveau) et ce poème veut montrer que dans un état de manque, c’est la cruauté qui prime pour assouvir ce manque (par les aboyeurs charognards).
[1] BALARD, Michel, Jean-Philippe GENET et Michel ROUCHE. Le Moyen Âge en Occident, Paris, Hachette Livre, coll. Histoire Université, 1990, p. 89.

samedi 9 décembre 2006

SCHIZOFREÏNA

...N'importe quoi sera bon pour ne plus penser (dis-je dans le commentaire de Deur'b), la solution fut le revirement vers moi-même et la confrontation de ce Moi-même infernal. Ce revirement est une montée, comme si mon esprit était plus haut que mon corps, un esprit en colère de porter de trop lourds souvenirs. De cette hauteur, il faut redescendre, mouvement de vague incessant.
Ce poème pousse la robotisation de mon être une coche plus loin, mais c'est sur un mur que je me frappe. Je ne peux plus faire un pas de plus vers mon intérieur. Aller plus loin est la folie du Chaos Désharmonisé, une folie brutale et insensée, une folie qui n'a plus conscience de la vie et qui rend toute chose moribonde. Ne pas confondre "esprit" et "âme" dans ce poème. L'âme, ici, est une partie intégrante du corps et ne peut en être dissociée. D'où les couleurs de cette âme, état physique d'Être dans un inconfort obligé.

La viande est de retour (à la fin du poème), cette viande saignante qui a peuplé presque tout ce Troisième Volet. Cette viande qui fut mon corps jeté aux oubliettes, meurtri par l'oubli de conscience. C'est pour cette raison que le Troisième Volet se termine par ce poème intérieur (sans oublier le poème qui viendra juste après!!!) et voguant dans les hautes sphères. Le corps malade et dénié ici, il sera martirisé au plus haut point dans le poème suivant, le poème que je vous parle depuis presque le début de ce blog: "Cruelle époque pour les embrochés".

Je vous laisse à votre lecture!


élévation de la pensée surhumaine en déroute
déjà je sens venir à moi les cris de fureur incomprise
quand en attente du levé de l’univers argenté de givre
pullulent un millier d’amas poussiéreux de spasmes oculaires

je descends tout au fond
là où l’esprit rejette l’envie des autres et se mure de rêves
de songes d’errance solitaire au sommet d’Érel le guetteur
lui qui écoute sans juger la pensée des flots immolés

le regard
importance naguère ultime
traverse les choses palpables à l’envers desquelles l’oubli reste
il ne peut n’y avoir que l’outil du silence
à l’intérieur de ce crâne chevelument terne de souvenirs
implacable résistance devant la Mère qui fut le berceau humain
c’est en conduisant l’attelage du Soleil que j’aspire la Terre
tout au fond du caniveau de mon esprit
le moribond avait peur de naître sans lui-même
alors que la vie s’est emparée de tous les êtres célestes

les paupières closes
je dérange l’ordre intérieur autrefois solidement ancré
le fracas insolite endort le reste du système originaire
et mes sens perdent pour peu leurs sens
et ces imbéciles me laissent seul avec lui
de l’autre côté du monticule ossuaire de ma propre personne
deux êtres réflectifs
se refusant un unique regard pourtant fondamental
ils sont enfermés là où j’ai désir d’oublier
derrière les portes souillées de la civilisation désossée
sans plus la moindre parcelle de viande comestible

indifférent aux peuples frappant au-delà des fers
il ne me reste plus qu’à retourner ronger les couleurs de mon âme

16 mars 2003

mardi 5 décembre 2006

DEUR’B

Des pensées en folie, déréglées, portrait d'un jeune adulte ne comprenant plus le monde qui l'entoure... La parole s'étouffe, n'importe quoi sera bon pour ne plus penser...


Deur’b in lamentations quéligarythmiques
breach d’amnésie hantisée de cacodéfragmentation
la circuitrie rebranchée dévoile les spasmes
masticulation de mammifères disjonctés et sans vie
Deur’b
un oliphant dégrossi affuble rieusement l’affect
or donc affairé à s’affaiblir devant l’idylle
les peurs s’affaissent d’elles-mêmes dans la peur
lenteur des ombicéphales elles face contre leurs fèces
perdition du désir
manque de sentiment amoureux impuisible
ne reste que lanternes magiques illuminant le soleil
défendu en sa demeure de manger la langue
déblatérer incessamment pour l’éternité sur le néant
rien d’autre à branler de paroles consistantes et larvaires
bla bla bla le Deur’b s’enterre au milieu de la chair
clouant chaque parcelle de violence méningique au cœur des os
un trou pour passer
un trou pour repasser
un dernier pour forniquer sans sexe et sans gloire
laissant une peau respirant trop de ses trous de métal
noir sur un blanc lavé par les pluies aristotéliciennes
ombre de cafard sur le mur des embûches éthérées
Deur’b
de ses larmes vaporeuses et cassantes un rayon de néther
langueur défectueuse qui signifie l’acte de merder
quand enfin après plusieurs millième d’infini
les êtres défaits s’engouffrent à travers une terre hydrophobe
entendant frapper sans entrer dans leurs corps
silhouette désertée sûrement par l’envie de se divertir
Deur’b
déportation précipitée des capithèses enveloppées de gris
horloge dérégularisée en fonction du corps céleste
depuis le départ du sentigme le mot se meurt dans sa bouche
et dans la mienne se morfond la vue des songes interdits

nothing lasts forever

15 mars 2003

ACIETISACIÒN DEL AMOR

La crystalisation est un sous-thème récurrent dans mes écrits. Quelque chose se construit, mais termine toujours sa vie au milieu de quelque chose, incapable d'avancer plus loin. Ici, c'est la crystalisation de l'amour qui prend racine dans l'incapacité d'exprimer des sentiments réels. Ou plutôt, dans le manque de moyens pour exprimer ces sentiments, tout de même présents dans ce Corps-Crystal que je suis en train de devenir à cette époque. Le sentiment se transforme en une sculpture d'acier, empêchant tout de bouger: le coeur, le cerveau, le corps. Tous commençant par la lettre "C"... Crystalisation d'un acier prêt à fendre pour ne laisser que des débris d'Être...


Toujours là blafarde nuée de souvenirs
Des heures passées à marcher hors du temps vieillissant
Une plongée dans cette eau d’un bleu transparent
Irrigue la peur qui assaille le peu d’avenir
Oublié pour un instant jamais assez long

C’est un sourire qui réveille l’appui d’un cœur dément
Sourire avilissant le mal à sa racine pourrie
Afin que naisse derrière le feu agonisant qui me nourrit

Les ombres nettes et dessinées sur le haut jugement
Enseignent aux risques d’oser caresse ce doux mamelon
Qui tenu pour la vie entraîne l’élan des oiseaux déplumés
À voler tout au fond des entrailles aux yeux voilés

Demain le vide
Plurielle avenance en pure langueur
Si le retour n’en a cure un seul instant
Inutile de le nier
Le melting pot disjonctif s’engage à perpétuité
Dans un cerveau humain aciétisé d’illuminations

Orage au cœur de l’Amazone
Elle ne peut que se défaire d’un sillon vital
Immolé devant l’autel de l’amour
Holocauste futile pour l’étranger athée jusqu’à la moelle

Trop accusée d’images déconstruites
Elle pourrait prêter son cœur à l’Éteigneur
Danser un sentiment heureux

Supposition d’une malédiction
Pour signifier qu’il parle mal
Lorsque vient le temps d’amoriser

20 février 2003

lundi 4 décembre 2006

LE MINOTAURE

la spirale descendante soupire aux fins du Minotaure
cornes suspendues
elles n’attendent que par le désordre des pendus
divines querelles d’embonpoint des moustaches
la férule idiomatique s’enchaîne aux arbres pétrifiés
qui s’emparent des sabots propulsifs des saboteurs

que l’abordage engage les sages sur les nuages
je ne nie pas que l’âge soulage l’entourage
or le minage des nécrophages ménage les mirages
idylle de l’aréopage qui tranche les apanages du bovin mythique
en tant que mélomane d’hécatombes soupçonneuses
je ne vois que des muscles inutilisés et atrophiés par le vide
les haches affilées réagissent à l’ouvrage de trancher
dans la substance phonétique du rêve éternel

révolte au milieu des peuples croyants
et la peur
qui évanouit le plus pur désir d’assouvir les pleurs

le Minotaure part à la chasse avec en ses mains une hache à deux mains
la brandissant comme un vulgaire bâton de bois
il fonce à toute allure vers la cité aux lois innombrables
hachant menus tout être se trouvant sur son chemin

il en a assez des héros voulant le posséder
il en a assez de se voir continuellement pointé du doigt comme un monstre
alors il fait en sorte de le devenir pour une raison valable
tranchant tête après tête
jusqu’à ce que ses pas l’arrêtent devant les murs
ces murs indestructibles
qu’il déchire à coups de poings

une fois dans la place publique
la ronde infernale peut enfin débuter
de ses poils hérissés sortent des fleurs de cactus d’un rouge éclatant
un saignement de tripes prolongeant ses bras robustes

il fond sur la brique et disparaît dans les failles
créant un tremblement du sol
les demeures hautes s’écroulent
musique apaisante aux oreilles de l’enragé
qui n’est plus qu’un amas de végétaux
prenant place aux côtés de la pierre cassée

c’est ainsi que fut créée la douve odorante des Minotaures
où tout un peuple fut jadis anéanti
pour n’avoir pas cesser de craindre ses rêves

13 février 2003

samedi 2 décembre 2006

LA FIN MÈNE À LA DIX-HUITIÈME DIVINATION

Voilà ma première véritable tentative à laisser mon cerveau faire ce qu'il veut sous une seule contrainte: aucune utilisation du "R". Le poème dans son ensemble ne veut pas dire grand chose, mais c'est une véritable délice vocal. Lisez-le à haute voix, vous verrez! :O) Quelques vers sont aussi de vrais bijoux! Mes préférés? "Ses bas sentent les pieds de tout un monde" et "Et les éléphants deviennent des égouts comestibles".


mnémonique mimésie douce sans elle
on ébauche les choses cassantes et belles
c’est un deuil des feuilles en manque d’étoffes
si ce bout de tissus emboutit le bouton off
vivant dans une piscine pleine de chiens
avalant les talons hauts de la tête des biens
non pas que les minutes passent aussi lentement
que les chapeaux volants d’un Bobino dément
c’est que je devine la face cachée de l’oxygène
si peu dans un pot plein de petites gènes
maladies congénitales souvent négligées
avec une souplesse édentée je me tiens figé
je bondis au-dessus de la table faite de coton
et je visite le peuple des plaines du limon
mais je ne suis qu’un nain dans ce vieux moule
imitation individuelle d’un puceau maboule
flattant les poils chauves de mon menton sans visage
mes yeux se piquent à la musique du Citoyen
occupé à ses tâches déitiques de lavage
ses bas sentent les pieds de tout un monde
bidules à cinq nez qui vomissent les moyens
je suis enfin devant les moyens, les petits et les obèses
une foule au bout du chemin de la baise
ensommeillé de nébuleuses qui m’inondent
j’abois haut dans le ciel ce mal dedans
sans de demande à l’homme chevelu du Liban
et le moisi s’invite sous mes ongles solides
discipline de ninja dans sa phase anale
mes démons se saoulent de ce doux acide
qui de vous sait ce qu’est le manque vital
celui de tous les oiseaux pendus dans le Cosmos
dans la nuit je m’assois silencieusement avec cécité
aveugle et l’âme en peine sans aucune volonté
divaguant au sujet de la pièce manquante de Cadmos
et envoyant ma main aux baleines décomposées de l’océan
comme un poche se vidant sous la maison des malins diligents
qui s’époumone depuis des siècles à la tâche nuisible
et les éléphants deviennent des égouts comestibles
si peu d’assimilation chez le cactus et le coyote
si peu d’alphabétisation dans les plaines amazoniennes
comment s’écoulent les plaintes sans un monocycle
les jambes se fixent elles aussi à la vue d’un mensuel cycle
au faces ensoleillées des inondations pubiennes
que le feu assainit avec le géant aux pâles bottes
la symphonie cesse d’elle-même quand vient le temps des amants
hommage du paisible qui se voit poussé dans le vent aimant
et qui se meut de ses genoux comme la viande flotte dans son sang
illuminé qu’il est du divin assis à côté du divan

9 février 2003

vendredi 1 décembre 2006

CRASSE

Version améliorée de "Ode au Gras". Plus sombre, plus pessimiste, plus étendu. C'est tout un peuple qui se voit avalé par une machine qu'ils ont construite mais sur laquelle ils n'ont plus aucun contrôle. Comme plusieurs trappes (physiques et psychiques), il est aisé d'y entrer, mais tellement difficile d'en sortir...

C'est comme si on s'habituait à cet état de prison et que le cerveau finissait par se construire de la même façon, essayant à son tour de construire le monde et les gens qui l'entourent de cette façon. C'est le problème du cercle viscieux qui fait alors surface et la peur de l'extérieur surgit: on ne veut pas se faire prendre dans ce piège. On a finit par être trop bien dans sa propre crasse...


habitants des ordures
ces ordures endurent la dure symphonie de la poubelle
clairons encrassés de merde
de restants stomacaux
et de sperme séché

vite
il faut fuir cet immonde plateau humide et chaud
affronter la froidure du dehors dangereux
puissent-ils célébrer enfin la pureté
et non l’impureté

épreuve insoutenable qui dure des jours
ils sont prisonniers
torturés de toutes parts par la Crasse
des croûtes épaisses s’amoncèlent sur leurs corps déjà souillés
papillons morts et poussière volatile
se fondant en une gélatine qui absorbe les habitants écoeurés

il semble que la Crasse s’épaissit chaque jour
chaque inspiration devient de plus en plus ardue
et certains expirent avant la fin

vers les derniers jours
lorsque la lumière salvatrice se fait enfin voir
la plupart se sont habitués à leur état d’ordure
et ont fait de la Crasse leur amie convoitée

les autres peinent et regrettent ceux perdus
ils montent éternellement
semble-t-il
leurs bras fatigués s’agrippent péniblement aux ordures
et leurs jambes sont retenues par les bras des Rats
les convertis tentent de ramener les autres vers les tréfonds
dans le bas-ventre d’une entité grossissant maintenant à vue d’œil
dans la bouche béante et puante
à qui il aurait été sage de dire :
« la mort est moins pire que ta puanteur !
que tes muqueuses explosent et s’imprègnent de la Crasse
avale-la tout entière
que nous puissions déguerpir vite fait de ce lieu trop familier ! »
le silence de la servitude est le seul à répondre
et à se répandre sur ceux qui luttent encore

bien des générations passent ainsi
témoins de l’expansion déficiente de la Crasse
et l’oubli de la lumière
naguère seule source d’espoir et de conscience
l’oubli vient réconforter les Rats
tous

embranchements de boyaux
c’est tout ce qui anime les habitants des ordures
marcher au milieu de leur inconfort inconnu
est tout ce qu’il connaîtront jusqu’à leur mort
la Crasse
elle
ne cesse de s’étendre autour d’eux
et dans leurs esprits
l’ordre dure

2 février 2003

jeudi 30 novembre 2006

HONNEUR DES OMBRES

Je ne sais pas trop comment commencer ceci. J'y ai réfléchi pendant plusieurs semaines et je n'en suis venu à rien. Rien d'autre que d'en arrivé à cette époque très noire dans mon esprit et dans ma vie. Époque où je me transformais en ermite solitaire, à vivre dans un sous-sol qui me faisait tousser et dans l'incompréhension face à la vie commune de deux bombes prêtes à exploser. J'étais très (TRÈS) effacé devant mes parents à cette époque. Tout ce que je sentais était une vague de stress incroyable qui m'a fait me recroqueviller encore plus dans mon sous-sol. La peur, la colère, la quasi-impuissance. Ces sentiments m'habitaient à longueur de journée...

J'ouvre ici une page que je n'ai pas souvent relue et que certains qualifieraient d'exagérée. Ce poème, "Honneur des ombres", est la représentation de mon intérieur "menacé" par une sorte d'ombre, totalement extérieure à moi, mais en même temps si près. C'est le poème le plus authentique que j'aie pu écrire dans cette période. C'est un texte sur le Père, c'est un texte de purgation de toute une colère brute qui finît par me terrasser. C'est l'expression de l'angoisse la plus pure, et sans ce texte, jeté sur une feuille de papier avec la main qui tremble et les dents serrées, je ne sais pas si j'aurais continué à écrire ou même à être ce que je suis aujourd'hui.

Ma mort métaphorique a lieu ici même, pour me permettre de mieux me relever par la suite. Un repos de deux mois fut nécessaire avant que je ne retouche à un crayon pour écrire. C'est aussi à ce moment que j'ai commencé à moins écrire, pondant ici et là des textes d'une pureté et d'une incision presque effrayante. Bref, vous n'avez encore rien lu. :O)

* Suivra après le poème, pour ceux que ça intéresse, une analyse de ce poème que j'ai faite dans le cadre d'un cours de poétique sur le thème de la furie...


L’ombre jacasse de ses dents noircies par le soleil ardent.
Dans mes idées se faufilant, elle dévore celui qui ment.
Bain de neurones calcinées, ses pas feutrés vident mon ouïe
De toute alerte dirigée contre le mal et ses bandits.
Horreur du cœur dans la chaleur, un arrêt du temps trop présent.

Danger d’une suffocation si je n’arrive à respirer.

En moi s’installe une torpeur rassasiée par le corps dément
Et se congèle autour d’un son la membrane d’un bénitier.

Ils ont peur de la nostalgie des étés passés sous les arbres ;
Là où se balancent sans vie cent preux jadis de haute garde.
L’ombre regarde ce portrait et pique avidement mes chairs
Qui partent ainsi derrière moi, n’oubliant point le vif Ancien
Sommeillant encore une fois sans se souvenir des images
Qui se volatilisent en jets aussi brillants que les Enfers,
Ceux montrés sur les grands autels, pivotant, vidés, pour un rien.

Je regrette déjà la belle envolée loin dans son voyage,
À la recherche de conscience habilitée pour me guider.

Mais par perte de vigilance, l’ombre finit par me tuer.

11 décembre 2002


ANALYSE

Ce texte est ce que j’appellerais un poème bi-octosyllabique, où des rimes se manifestent à la quatrième et à la huitième syllabe de chaque vers. Sa structure très étroite pourrait détonner du sujet du poème : la furie. Cette métrique consiste en fait en une tentative de contenir cette fureur destructrice sans qu’elle n’explose. Elle fait d’ailleurs craquer le dernier vers (où on compte 17 syllabes au lieu de 16) ; c’est dans celui-ci qu’elle finit par se débarrasser du « je ».

La fureur de ce poème arrive de l’extérieur. Une ombre (encore un fois, mais cette fois-ci plus menaçante et mortelle) arrive et crée un climat de chaleur extrême : dents noircies, soleil ardent, aussi menaçant que celui dans "Cruelle époque pour les embrochés" (que vous lirez très bientôt, chers lecteurs!), neurones calcinés, chaleur, suffocation. Le tout se congèle ensuite dans un froid tout aussi brûlant par l’entremise de la membrane d’un bénitier. Ici, bénitier peut être pris dans ses deux sens. Le sens religieux : où il ne resterait que la surface du bénitier, la membrane, sans toute la signification qu’il porte (relation avec le corps dément et les Enfers), mais qui emprisonne tout de même un son. Le sens marin : une coquille de mollusque mort (une huître, par exemple) qui se referme sur le son (et dieu sait que c’est très difficile à ouvrir, ces coquilles…). Cette membrane est l’action de l’ombre, sa furie englobant tout. Quel est donc ce son ? C’est la figure visuelle qui reprend l’ouïe vidée du « je » dans la première strophe. Le son est le représentant des sept notions dont je parlerai plus bas.

Dans la première strophe, on peut penser à la furie provoquée par une insolation menant à la folie. Une sorte de perte de contrôle se produit dans cette furie. Mais ce n’est pas tout. L’ombre (la fureur) encercle le « je » du texte (du côté de la forme, le poème commence et se termine avec elle, du côté du contenu, c’est la membrane qui recouvre le son) et lui fait perdre sept notions : l’ouïe, le temps, l’air, les souvenirs du passé, la conscience, la vigilance et la vie. Le chiffre sept a une importance première dans la compréhension du poème. C’est le symbole religieux de l’entièreté du cosmos. Le « je » symbolise la totalité de l’univers et se fait ronger, piquer, et finalement détruire par la fureur dévorante et insatiable venant de l’extérieur (le mal et ses bandits). C’est la fureur qui anime l’ombre, parce qu’elle est fureur elle-même. Elle jacasse, dévore, a peur du passé (mais le détruit par la suite), regarde, perce la chair et tue. Ces actions semblent apparentées à la folie, mais ne parle-t-on pas, parfois, de « folie furieuse » ?

L’ombre n’a peur que d’une chose : la nostalgie du bonheur et de la tranquillité (étés passés sous les arbres). Mais tout de suite elle s’empare de ces souvenirs et les transforme en des lieux de mort (là où se balancent sans vie cent preux jadis de haute garde). En se rabattant furieusement sur le « je » (pique avidement mes chairs), elle oblitère totalement l’idée même de se rappeler le passé (sans se souvenir des images). Démonstration d’un gouvernement totalitaire voulant rendre son peuple complètement assouvi et idiot. Dans cette partie du poème, le vif Ancien fait référence à Héraclès furieux massacrant tout sur son passage, quand Héra l’avait rendu complètement fou.

Le chiffre cent, en regard aussi avec le poème "Les éléphants", a un certain rapport avec la mort. Une mort nombreuse (Cent lunes se meurent sans âmes avides, où se balancent sans vie cent preux jadis de haute garde).

Une présence bienfaitrice semble pointer son nez dans les trois derniers vers pour venir en aide au « je ». Présence féminine du bien (la belle, presque absente) en opposition avec la présence féminine du mal (l’ombre, omniprésente). Mais cette bonté qui semble si magnifique, partie à la recherche de conscience habilitée pour guider le « je », est loin et ne peut revenir…
Il y a une allitération du « r » dans tout le poème (ex. : Horreur du cœur dans la chaleur, un arrêt du temps trop présent), voulant faire ressortir la rage, la furie, par la sonorité des mots.

Poème fataliste, l’issue se trouve dans la mort.

mardi 28 novembre 2006

MORT D’UN MULET

Tout à commencer avec Foutredieu!!!, le groupe Noise originairement créé par Martin Sasseville et Nicolas Rouleau (qui a ensuite quitté le groupe vers d'autres projets). Martin avait une fixation sur les Mulet (qui se prononce "molette"), ces êtres magiques issus de Longueuil et qui porte fièrement la coupe du même nom. Un Mulet, c'est une coupe Longueuil. Pour ceux qui ne savent pas ce que c'est: le gars (ou la fille, pas de discrimination chez les Mulets) porte les cheveux relativement courts sur le dessus de la tête et les côtés, mais une sorte de protubérance chevelue malsaine fait son apparition derrière le crâne, sorte de crinière fluide parfois attachée en queue de rat, parfois voguant au gré des vents. Ils sont laids, ils sont chasseurs, souvent moustachus et un peu arriérés.

Voici deux exemples qui montreront mieux ce que c'est (merci à coupelongueuil.net!). Après, je vous laisse lire "Mort d'un Mulet"...

Idées dans une purée de méninges
Des blablas incompréhensibles
Sortant d’une bouche familière et moustachue
Il a des pieds de cuir noir
Et ses jambes moulées de jeans dégoûtent à en vomir

Patience
Le pire est à venir
Fuyance dans le regard
Catacombe de vie
Ses cheveux gras dégagent une odeur de bière et de cigarette
Qui par le cou se répand en filets gélatineux
Jusqu’au milieu des omoplates
Tentant désespérément de voler dans le vent
Mais ils ont peur
Ces cheveux
Peur de l’ordre militaire de ceux d’en haut
Couvrant le chef tel un hérisson ivre mort

Accoutrée de la sorte
Sa tête n’est plus qu’une flasque insignifiance
De vertus bûcheronnières et amèrement sereines
Vaquant à des pensées très importantes
Pour elle

Dans un garage de banlieue du sud
Où fleurs et soleil égayent la peuplade
Nul ne sait que musique délétère se crée
Ondes sonores polluantes de rots et de cris
Et parmi des sacres virtuoses
une voix s’exclame rageusement
« Aye asti! Cheu ming poh épa, t’crisser ‘a claque kâlisse! »
Et d’un mouvement plein d’ivresse dans le bras
La bouteille qu’il tenait vole dans le vent
Rendant sa chevelure jalouse et meurtrière

Celle-ci l’étrangle lentement
Permettant à la créature protozoaire de penser à sa vie
Et dans sa tête
Des images de rêve et d’amour
Un truck jacké de l’année
Avec sur le siège passager
Une femme bourrée de pilules hallucinatoires
Une bière ouverte
Venant seule à sa bouche moustachue
Et une autre
Et encore une autre
Jusqu’à ce que le souffle de vie l’habitant
Quitte ses poumons en un dernier rot d’habitant

L’homme du futur repose inerte dans son garage
Détruisant avec lui l’espoir d’une vie meilleure

29 novembre 2002

dimanche 26 novembre 2006

LA CITÉ DE LUMIÈRE

Un poème narratif anti-mythe originel. Cru, sauvage, sanglant, explicite à souhait et noir comme le vide, nous suivons le Colon tout droit sorti du mythe états-unien intitulé "une bible, une bourse et un fusil". Inspiration d'un professeur que j'ai eu (ah... monsieur Vidal, quel intellect à fleur de peau!) à l'université avec qui nous avons étudié Moby Dick toute une session.

Pessimisme flagrant, la Raison et la Bonté avalées par le Chaos, la Violence et la Faim (qui, j'en ai déjà parlé, dérègle l'esprit humain et instaure la peur qui tue). Les monstres incontrôlables n'ont qu'une idée en tête: atteints de la faim infinie, ils mangent tout ce qui est à leur portée, corps comme esprits, anéantissant les pensées les plus rigoureuses.

Encore une fois, c'est la bête humaine qui arrive en avant-plan, sorte de Minotaure intérieur qui prend le dessus sur l'homme au lieu de vivre en harmonie avec lui. Tant que ces deux forces se combatteront, il ne pourra y avoir de paix dans l'âme humaine...


Ce jeune homme déambule sobrement
avec dans les mains une bible et une bourse.
Vers l’Ouest toujours ses yeux fixent
un précipice sans nom où tous s’enfoncent.

Tout au fond pousse une large forêt
lieu de cannibalisme sans limite
des dents carnivores arrachant la vierge chair
de quelques os encore purs et chastes.
Les yeux ébahis voyant le nouvel arrivant
se révulsent dans un plaisir inassouvi.
Le jeune homme les voyant ainsi
n’a d’idée que de les convertir à sa parole.

« Vois ce qu’en ma main je tiens
peuple mangeur de viande crue
et réponds à ma prière de bienveillance.
Prends ces pièces et vient avec moi
car ici ne reposent que les vices
et là-haut demeure encore la lumière jaune.
Ces fourrés sombres et verts ne sont rien
en comparaison à la plaine illuminée… »

Eux de le regarder la langue pendante
ne comprenant que leur faim intenable
pouvant être rassasiée pour toujours
s’ils suivent cet étrange être au langage serein.

De cris et de grognements
ils le somment de les guider
et le sourire aux lèvres
le bon fou les guide sobrement
à travers les méandres de la large forêt
jusqu’au pied de l’innommée falaise.

De là le périple débute réellement.
Avec leurs larges mains musculeuses
les cannibales grimpent péniblement.
Certains se font emporter par le vent
d’autres glissent et se fracassent les os
mais la plupart
la sueur au front
parviennent au sommet avec les membres endoloris.
Qu’en est-il du jeune homme à la bible et à la bourse
qui les regarda monter de son œil déjà élevé?
Une force supérieur flotte en lui
et peu de chose est la montée d’une vulgaire falaise
pour un être à la fois si prude et si courageux.
Déjà en haut il était
quand le premier de la troupe mit la main sur la première pierre.

C’est donc ensemble
moins quelques âmes
qu’ils reprennent leur route vers la Cité de Lumière
où les plaines illuminées sont labourées par les dieux.

Le voyage est long
et la faim se fait outrement sentir
dans les ventres creux du peuple de la forêt de chair.
Des jours passent
et toujours rien.
C’est à ce moment que le jeune homme leur parle.

« N’ayez crainte de la distance
bientôt nous verrons les tours de la Cité Blanche. »

Quelques heures plus tard
l’envie des dents-pointues est freinée par la vision sublime.
Les champs à perte de vue
aussi jaunes que les yeux de la déesse Hélène
où des centaines d’êtres évoluent de part et d’autre
légèrement vêtus de blanc
souriant sous le soleil éblouissant.

« Ici la faim pour vos prochains cessera
de la mort des autres votre bonheur ne se fera pas
car c’est un paradis où la faim n’existe plus… »

Les cannibales n’écoutent plus le bon fou
et ils sautent ça et là à travers les champs doux.
Leurs pensées oblitérée accentuant leur faim
c’est à pleine dent qu’ils dévorent chacun des bienheureux.
Sans aucune défense ils fuient devant ces bêtes féroces
ils s’éteignent l’un après l’autre dans des cris atroces.

Le chaos règne pendant des heures
et le bon fou reste à contempler le malheur
qu’il a lui-même engendré.
Le vide s’installe dans son esprit
réconfortant en même temps son cœur déchiré.
Là où jadis la vérité fut
là où naguère vivaient tous les dieux de la Terre
là où autrefois se reposaient les astres dans leur long voyage
il ne reste plus que le rouge des visages
ceux des cannibales s’offrant ce festin de chair
parmi les corps déitiques sans plus aucune vie.
Ces charognards se tournent finalement vers leur guide
et l’élèvent au rang de roi de la viande.
Ils le paradent au milieu des cadavres encore frais
incomplets
et lui
les yeux fermés
pense à sa propre mort au milieu du carnage
une mort qui n’est plus qu’un rêve lointain au-delà des nuages.
Son corps n’est plus qu’une loque sans vivacité
et c’est en versant des larmes froides
qu’il se met à manger à son tour
les dieux en qui il avait foi.

20 novembre 2002

mardi 21 novembre 2006

EYES WIDE SHUT

Un poème sur le non-voir. La fermeture d'un esprit dans le caveau sombre et froid de l'indifférence. Ce texte, plus particulièrement aujourd'hui, a plusieurs significations. C'est d'abord la plainte d'un coeur qui cherche à comprendre le manque d'action.

C'est aussi, maintenant, une question lancée à ceux qui ne voient rien. À ces personnes qu'on admirait étant jeune et qui se mettent à dépérir à cause d'une pression soumise par eux-mêmes, pression inutile, angoisse du devenir plus, démons qui auraient dû être morts depuis bien longtemps. Ne reste qu'un néant palpable et oppressant, givre permanent qui encrasse les pensées et bouche les yeux, comme une croute trop solide de limon prenant possession du corps.

Ne reste que la détresse, objet de pulsions incontrôlées et de distortion.

Une étoile brillait jadis dans un regard, la haine l'a rappelée et noyée dans un acide trop fort pour qu'il y reste quelque chose. Ne lui reste plus qu'à fermer les yeux et plonger, en rentrant dans tous les murs sur son passage.

Les yeux grand fermés, impossible de vivre. Indifférence de soi, des autres, de la vie, de la mort. Pourquoi?

C'est le lot de l'être humain de vivre dans un passé révolu dans un esprit déréglé au lieu de se tourner vers une fenêtre et de regarder le soleil briller sur des arbres perdant leurs feuilles dans une journée d'automne, sentant l'air frais rougir ses joues... Bouger prend trop d'énergie. Encore plus ouvrir les yeux. Alors il s'encroute.

Pourquoi...?


En devenant son propre vide
L'attente ne fait que languir sous les yeux accrus
D'une étoile qui ne comprend rien

Néant
Voïd
Nether
Rien
Rien de plus que le manque à la bouche
Pour ne rien dire de négatif aux oreilles sensibles

C'est au tour des autres de souffrir les longues minutes
Qui entraînent dans une incohérente chute
Vers les fonds de l'abîme émotif d'un tronc d'arbre desséché

Antagonisme de ma personnalité à la fin de l'automne d'une vie arrogante
Trop de givre lorsque les portes se barrent sur la vie
Vie peu aimée quand tout autour se vautre dans les cellules imaginaires
Du peuple aux yeux fermés

18 novembre 2002

samedi 18 novembre 2006

ESPRITS AUX ABOIS

la révolte a débuté

je perçois un brouillard épais de furie
s’approchant de moi par tous les côtés
une crise
un séisme
un maelström psychologique
qui se répand sur tout être vivant et pensant

les esprits sont aux abois
le Wendigo de la pensée abstraite
ressurgit d’un cocon d’ignorance rance et de léthargie

le cri
le seul et unique Cri d’un génie rétrogradé
fait surface sur une mer agitée par les langues sales et décrépites
de la société

des monstres rampants
se meuvent en colonies de millions
autour d’un grain sec et vidé

les morts se réveillent et boivent la substance
en pleurs dans les yeux pétrifiés
de la Méduse gouvernante

encore engourdi d’un sommeil trop prolongé
j’écoute les plaintes des sables mouvants
où mille enfants de cette même terre s’enfoncent le sourire aux lèvres
inconscients qu’ils sont de la mort les attendant après le détour
les bras ouverts

5 novembre 2002

jeudi 16 novembre 2006

LA CHAISE ET LE BANC DE GARE

Un autre poème sur la stagnation de l'homme, mais dans la peau de deux chaises qui passent leur vie à supporter le cul du monde. Histoires d'assassinats lors d'une partie de cartes, de vieux souvenirs déments, de zombification de l'âme, d'hésitation face au suicide et d'amours déçues.

One-way ticket vers le sommeil et l'arrêt de sensations. J'avais fait l'expérimentation, précédemment, des sentiments face à la perfection dans mon poème "In Utero". La perfection qui annihile les sentiments parce trop imparfaits. J'y avais fait, en quelque sorte, gagné les sentiments. Ici, et jusqu'à la fin de ce volet et tout au long du quatrième volet, c'est le contraire qui se produit: les sentiments viendront peu à peu à disparaître, comme enfermés dans un abri anti-atomique trempé dans un acier trop solide pour eux. Farewell to the old me!

Ah! Et c'est un autre de mes textes préférés. :O)



une redingote suspendue à la chaise
bat dans un vent doux qui affaisse
des branches portant l’univers
la mort
et les retailles des cheveux d’un président

adieu au roi de la forêt
effondré ventre à terre
et la tête au-dessus d’une table basse
où de vieilles femmes sirotent
un thé de camomille et de jasmin
inconscientes devant le manteau vide

la chaise habillée d’une redingote
peine à soutenir ce morceau de chair
mort empoisonné
le poison étincelant
de la pulsation de la vie dans un cœur dégénéré

elle tente d’asseoir son pouvoir
le cul ne bouge que d’inanition

il ne reste que le contrôle de la pensée
mais de nos jours
les morts ne pensent guère
et les vivant pensent guerre

debout
la chaise se demande s’il eu été préférable
d’être morte

au chaud dans son vêtement
elle décide que maintenant n’est plus ici
plutôt là-bas
sur un banc de gare
attendant son express dans un demi-sommeil
avec en main une minuscule étoile
qui ne brille plus

rendez-vous avec le charnier des souvenirs
un passé qui absout
un présent qui attend
un futur coincé dans la sénilité
et le silence

un banc et une chaise
l’un portant le temps dans son arrêt
l’une souffrant la vie de l’Homme

les deux angoissent de se voir ailleurs
n’importe où hors de ce monde
ou peut-être dans un foyer
réchauffant les mains de cette femme sur le quai
qui entend le temps passer à la vitesse d’un train

la peur les renvoi à leur état frigide
de meubles anguleux et rigides
condamnés à supporter le poids
de tous les morts marchant vers un but
inconnu

se réjouissant à cette idée
la chaise et le banc retournent dans leurs rêves de bois

30 octobre 2002

TROU NOIR

La civilisation est pour moi une grande source d'inspiration à cette époque. Je l'observe, je l'étudie, je la critique et la détruit au fil de mon crayon. Mon but? Me débarrasser des fondements de cette civilisation encore perdue dans ses idées d'il y a plus de 2000 ans. L'éducation sombre tranquillement, le gouvernement se pétrifie, et ils passent des émissions comme Loft Story à la télé. Regardez aujourd'hui et reculez de 2000 ans: la même chose, sauf que les maisons sont plus grosses et les transports plus rapides...

J'ouvre ici un trou noir pour tout y aspirer...


et les étoiles de tomber
flocons abstraits scintillant au son d'une musique triste

le vent les emporte dans l'air liquéfié
des ondes constamment résonnent sourdement
en avant
derrière
à l'intérieur des affres cérébrales
déjectant des tumeurs cancéreuses aux premiers venus

ils chantent ensemble
la douce rigole les avalant dans sa lumière diffuse
où maintes idées naguère furent épanouies
de la façon des arbres morts
qui pourrissent sous une pluie d'ozone vitreuse

aide aux bêtes féroces dévoreuses de jarrets
je lance au loin un phare de pénombre
qui assombrit les yeux des astres
et ceux de la multitude en file pour l'abattoir

ils ne voient pas que je me moque de leur sourire dévasté
car ils étaient aveugles avant même leur naissance
dans un trou noir

15 octobre 2002

mercredi 15 novembre 2006

INTRODUCTION

Avez-vous déjà ressenti la sensation de toujours être dans un état de commencement sans jamais en voir la finalité? L'esprit humain est ainsi fait qu'il oublie. Le début semble être la joie ultime de l'Être. Commencer quelque chose est tellement motivant et intéressant qu'on voudrait constamment commencer. Même chose en amour, continuer quelque chose est trop pénible, alors on en reste là, et rien ne se passe.

L'étape Zéro de l'action, le début de la création, l'introduction de la vie si importante.

Le seul motif qui pousse l'Humain (dans le sens le plus général possible) à stagner dans son éternel mare de commencement (parce que l'évolution s'est terminée il y a un peu trop de millénaires, et on ne peut appeler "recommencement" ce qui n'a jamais été terminé), c'est la peur de la mort (cette trouille vicérale du vide).

Évoluons! Transformons ce noyau pourrissant qu'est la Terre. On ne peut le faire qu'en nous transformant nous-même. Terminons, au moins une fois dans notre histoire de Créature Vivante, quelque chose. Cessons d'être des ogres affamés de pouvoir et de destruction. Il ne suffit pas de vivre, il faut être, aussi...

Non... Trop difficile... Continuons à nous vautrer dans ce liquide amniotique si confortable.

L'Être Humain n'est pas encore né. Nous l'attendons toujours...


Un mouvement interne
La mouvance du commencement
Introduction

Conductance des échelles rythmiques
La musique déboule des voix craquelées
Mais la gravité s’emporte sur les ouïes

La déchéance du départ
N’empêche pas la décadence de l’arrivée

L’attention se porte sur la première note
Le premier mot
La première touche de peinture
Le premier doigt sur le sol
Lors d’un combat d’étreintes féroces
On n’a d’intérêt qu’en une danse de naissance
L’Humain est venu d’Afrique
Né d’une mer avide d’enfance
À l’écoute d’une terre humide et végétale
Et crachant un chaud remous de gaieté

Un arbre vert pousse au centre d’une cohorte d’êtres velus
Brandissant des os sur la tête de leurs ennemis
Évolution
De l’introduction

La faim
Fait suite aux événements rongeant la mort
Titubance folle en fin d’une journée de chaud soleil
Éclair en milieu de nuit
Le feu d’un cœur ardent tremble dans l’entendement
Les oreilles se bouchent malgré tout
Dans un regard hagard perdu dans les steppes

Un deux trois quatre cinq six sept huit
Neuf
Dix onze douze
Treize
C’est une longue nuit à voir tous ces corps brûler
Et c’est l’instinct qui pousse les jambes
Vers l’Ouest

Introduction
Cette fois dans trente jours de mer calme
En main l’astrolabe et le compas
Au début des temps de renaissance

Naissance
Qu’est-ce donc au jour des deux milliers
La naissance de l’amour
Introspection en un cœur en devenir
Déjà oublieux des premiers enfants de la Terre
Oublieux de la musique du commencement
Oublieux des figures rustres et magnifiques
Qui arpentaient de funestes collines feuillues

La mémoire oublie
Provoquant à chaque inspiration
L’inspiration d’un commencement
Introduction

13 octobre 2002

mardi 14 novembre 2006

ODE AU GRAS ou "le ver qui dévora la Terre et se retrouva auto-digéré"

Écoeurantite aiguë d'avoir travaillé au resto-fastfood Harvey's, à nager dans la graisse de boeuf, les pieds glissant sur un plancher peu sûr. Ce fût mon premier travail dans un resto, et le dernier. J'ai réussi à tenir ma promesse de ne plus jamais travailler dans un restaurant à servir des clients bêtes comme leurs pieds. Maintenant, je travaille dans une librairie à servir des clients beaucoup moins pires. C'est la faim qui rend bête. Dans tous les sens du mot.

La faim, c'est comme la peur, elle prend contrôle de notre corps et nous torture incessement, jusqu'à ce qu'elle soit rassasiée.

Le texte qui suit est donc un poème sur le cannibalisme. Un autre sur le même thème suivra un peu plus loin, mais il sera un peu plus grandiose et moins... flasque.

Dérision, colère, regard ascéré sur une population qui ferait la guerre si elle n'avait pas le monde tout cuit dans le bec...


des ombres bouffies rampent vers moi
se tordant en de flasques mouvements
leurs bouches béantes tendent à m’aspirer
au plus profond de leur estomac d’acier
en vitesse ils mangent en déchiquetant
des humains vivant dans l’effroi

je les regarde s’empiffrer
ces asticots
monstres de graisse en putréfaction
peu soucieux des cure-dents d’Afrique Centrale
ne trouvant que dents creuses à vider

ils demandent toujours
par des paroles baveuses
que leur soient apportés les jours
dans les plus briefs délais

le cliquetis de monnaie
se rompant sous leur poids
harcèle mes rêves de meilleure vie
et plus mes yeux se portent sur eux
plus le goût de leur vomir à la figure
s’accentue

dans leur fluide réconfortant
en nage au plus pur désir d’anévrisme cardiaque
leur esprit se noie et bout
il bout dans une friture de néant
aspiré au plus profond de leur estomac d’acier

23 septembre 2002

dimanche 12 novembre 2006

ONDES BIGARRÉES

Des ombres plastiques du mur
Se confondent les arbres d’un ordre dur
Accaparés par un regard public
Les anges se meurent en longs lombrics
Rampant sur les angles mobiles

Les ondes de l’espace se meuvent en rigueur
Mais l’animal regardant ne pense que vile
L’eau bigarrée une fois encore nie l’odeur
Des angoisses égarées flottant sur sa tête

Elle vole dans mon esprit
Comme toutes les autres
Inconsciente de son mouvement aiguisé
Un pont devant cet œil avide de mensonges

Au son du rythme des ailes affamées
Je vole très haut au-dessus de la Terre
Et sa silhouette m’envoie où la vie erre
Sur un vaste sol d’argent cendré

Je me confonds alors en cette image
Son corps me poursuit de ses avantages
Mais plût-il aux êtres de verre brillant
Plus rien ne peut venir jusqu’à mon esprit pleurant

14 septembre 2002

mardi 7 novembre 2006

DRUIDE AMPHITHÉESQUE

dans une course effrénée
au milieu d’un corridor d’acier
il cherche l’homme
l’homme au masque fluide
teintes pourpres sur fond de marbre

futile dans son mouvement
quelque angoisse afflue au-dedans
histoire de se claquer une psychose
pour recueillir la flamme des étrangers ambigus
cachée au milieu d’un champ de vertes roses
où pleurent les acteurs disparus

« je veux goûter pour la dernière fois
l’humeur d’être le premier roi
celui d’un amas dansant d’êtres encapuchonnés
perdus dans mon cerveau névrosé
c’est ainsi que
possiblement
l’ère du capital démocratique
mourra d’un coup de théâtre de sang »

il part alors du banc décomposé
lui servant de trône de diamant
et court vers son sceptre de papier mâché
qu’il avale jusqu’au dernier moment

dix… neuf… huit…
sept…

septembre en élection montagneuse
quand les suspects montent les gueuses
habillées de verrerie de luxe
papillon dans l’estomac de la viande crue
l’unisson des jambes atrophiées
fait pleurer un druide photographié

7 septembre 2002

dimanche 5 novembre 2006

LES ÉLÉGANTES

L'amour malsain est le miroir de ce poème. Un amour mélancolique et nostalgique, celui des belles du passé. Comment regarder ainsi derrière et ne pas devenir dément? La paralysie, le seul remède...


tes mains
elles tombent sur mon plexus
niant le mal qu’elles me font

plutôt attendre demain
pour plaindre l’image d’un juste

les religions s’amoncèlent
en un amas de fientes amères
métabolisme interrompu
filmé par le père des félons

les meurtrissures peignent l’azur
en un rouge casqué de blanc
phénomène indigène sans réponse
une fée nommait un nain
qui déjeune dans l’éponge
nul ne pense à toi
toi qui absout l’esprit
de son fluide expressif
et laissant le tout sur Terre
échoué
perdant de son fanon
cet air humide de Léviathan

des bulles de mots
flottent sous le sourire grossier
d’un obèse anorexique
se droguant de farine de maïs

l’étoile du matin
perce alors de ses mains
les portes aux mille battants
celles qui cachent les pénitents
au bout du quai musical
enfermant sur un rythme infernal
l’aquosité impromptue
du regard abattu des dieux
ceux qui songent au lieu
où naissent les élues

je n’ose comprendre ces idées
sorties des pensées des belles
oubliées pendant l’été
elles tombent sur mon plexus
niant le mal qu’elles me font

nul ne songe à elles
mais depuis la mort des anges
plus rien ne change en nous

qui n’entend pas
le cri des élégantes
enfuies sur la route
menant vers mon cœur

moi
moi et mon cœur malade
malade d’inanition

4 août 2002

vendredi 3 novembre 2006

LE MOINS PIRE DES MONDES

Le titre dit tout...


Tristes visages peints sur les murs
La lumière les entoure maladroitement
Semblant vouloir jeter ces ordures
Au fil des ans

Des yeux regardent du dehors
Verts et blancs sur un fond d’or
Le vent envoie ses cheveux sur la vitre
Ralenti par le murmure d’un cactus arbitre
Onze pour deux lignes et la demie
Des bonzes de bronze sur une folle accalmie
Dans les tombes de Toutankhamon
Et du terrible mais court Napoléon

Ils se parlent des conquêtes de jadis
Mais ne peuvent compter jusqu’à dix
Par manque de doigts
Dictant maintenant les vastes lois
Inutiles à ces spectres d’êtres
Qui pourtant ne peuvent disparaître

Ils ressemblent à des enfants
Perdus aux confins du temps
Et voulant redéfinir le monde
À l’aide de leur seul esprit immonde
Regorgeant de pensées putrides
Pour le passant sans ride

Écouter le chant des champs de corps
Permettra à la langue de se remémorer
Hors de ce funeste et lointain décor
Toutes les vies qui restent à commémorer

Je pourrai ensuite terminer ma ligne
En me vantant devant cette vierge maligne
Que j’ai réussi malgré le tort des éléments
À m’élancer dans un esprit trop dément

Et c’est peu dire pour la foi des marins
Car ce sont eux qui nourrissent les fonds marins
Avec leurs restes décomposés
Déposés sur le sourire de la mer goudronnée
Une gueule cariée et châtiée
Dans une pluie finement composée
De tourbillons d’évasives pensées
Engouffrant les souvenirs du passé

29 juin 2002

jeudi 2 novembre 2006

DEZING PAO-TING DESIGN

Une tentative d'exotisme, comme ces bons vieux poètes québécois du 19ième siècle s'amusaient à faire. Plus noir, plus décourageant, plus absurde, toutefois. Je ne peux m'en empêcher. Le jeu des apparences tient encore le rôle ici. La riche beauté, une fois à côté, devient la pauvre laideur...


si la musaraigne daignait prêter son peigne
nous pourrions tous feindre de boire la lie des beignes
design sur les murs parachutés
une flaque d’embryons séchés nivelés par des bagnes
et dessus
un babiroussa punk courrant après les mouches

en pensant à tout cela
avant de revenir chez moi
je regrette Pao-ting au riz débusqué à mains
caché par des branches de jasmins géants
apeuré qu’il est par le soleil et les yeux humains
ceux qui enjambent les prés sans leurs gants

sur cette scène
la lune se lève
pâle
ronde
trouée
elle s’élève au-dessus des cieux argentés
afin d’éclairer deux silhouettes qui s’enfuient à l’horizon

un bond
ce sont les pas de Lee Dezing et de sa belle Mia-Tsing
leurs vêtements s’envolent au vent
des loques pâles et trouées
laissant leurs deux corps nus

la bouche ouverte et édentée
ils peinent à marcher hors d’un cimetière vivant
celui des oiseaux aux becs de papier chiffré
et aux griffes d’acier
montant toujours plus haut
affolés par la poussée des courants de profondeur
qui demeurent affamés tels des Léviathans ancestraux

de la neige et de la pluie
débâclage du temps poursuivi de ces mouches charognardes
elles délivrent aux incendies la combustion spontanée

en partant du musée des années d’Ôh
je note dans un carnet
les instants passés et poussiéreux
que les images inventent une fois installés dans mon esprit
comme de minuscules vies mortes nées

11 juin 2002