mercredi 12 juillet 2006

RIVIÈRE BRISÉE

Inspiré d'une chanson de l'album solo de Brendan Perry (ex Dead Can Dance). Une vision très perturbante du futur où la désolation de l'Humain indiffère la nature. Un poème miroir en quatre parties évolutives: passé, présent, futur, nostalgie.
 

Je vis près de la rivière
où les anciens dieux viennent encore s’abreuver
et se regarder dans ce miroir qui, naguère,
accueillait les plus gracieuses fées.

Trois tours, étourdissement,
c’est autre chose,
confus dans ma vision de glace,
qui semble disparaître
tout au fond de la nappe bleue supportant le ciel.

Vivre dans la mort de son être peut tuer,
mais ne jamais souffler sur les étoiles
peut rendre l’imagination malade.

Subissant l’angoisse, elles sont là, impatientes,
qui attendent en vain la brise qui les fera vaciller.



Je vis près de la rivière
où les étoiles viennent encore se baigner
et se regarder dans ce miroir qui, hier,
semblait frémir au rythme de mes pas lents.
Les petites fées ne sont plus, envolées,
l’œil de la nuit veille sur la vague houleuse
qui s’embrase et disparaît dans ce vent violent,
emportant mon esprit vers les rochers,
au loin.

Ces gigantesques blocs immobiles et ternes
se moquent d’une présence éphémère qui rôde
dans les flots devenus enfer.

Elles ont l’éternité derrière et devant elles,
et voudraient bien, pour fuir l’ennui, avoir des ailes.

Elles sont aveugles, sourdes, muettes…
À quoi peuvent-elles bien penser?

Ni fin, ni commencement pour une pierre,
encore moins pour deux, mais il est trop tard…
ou trop tôt…

Retour à la source originelle de l’humanité.



Je vis près de la rivière
où les conquérants viendront s’étendre
et mourir de leur tranquille mort maladive
en brisant ce miroir qui, demain,
miettes et éclats flottant au grés du courant,
dans une lenteur catatonique,
voudra saigner pour étancher sa soif,
comme les anciens dieux qui seront partis,
mon esprit vers l’inconnu emporté… brisé?

Je me sens comme ces pierres handicapées,
prêt à m’envoler hors du monde qui, jadis,
observait les gracieuses fées dans cette musique d’or.
dans ma tête, un nuage paresseux dort
et roule sur la houle, près de ma maison.

C’est suffisant pour que j’en perde la raison.



Je vivais près de la rivière
où les anciens dieux venaient s’abreuver
et s’admirer dans ce miroir qui, maintenant,
n’accueille que de douces larmes
cristallisées par le feu pâle coulant à sa surface,
lancées de l’infini avec une indifférente mélancolie.

Le vide, tout autour,
sauf pour ces rochers qui ne changent pas d’idée…

7 juin 2001

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