mardi 31 octobre 2006

TROUILLE INSPIRÉE PAR LE MANQUE

"La peur est le moteur de toute entreprise". Je ne sais plus qui a dit ça un jour, mais je ne suis pas d'accord (sauf pour ce qui a trait aux guerres). La peur est une maladie dans la même trempe que le cancer ou la peste bubonique: mortelle. Ça ronge l'intérieur et grossit de plus en plus à chaque bouchée.

Un cri contre la peur, donc. C'est ce que je vous offre ici. Démonstration de lourdeur et d'accablement de tous les côtés. La trouille scie et coupe comme une chainsaw dans du beurre: des morceaux volent dans toutes les directions et atteignent tous ceux qui sont présent...


la trouille
c’est ce qu’ils ont tous

tu n’as qu’à regarder autour de toi
dans la rue
toutes ces têtes de cancres qui fixent leurs pieds

ils ont peur de leur ombre

jamais tu ne croiseras leur regard
jamais tu ne connaîtras la profondeur absente de leur esprit

ils sont sales
ils sont laids
ils sont riches
ils sont humains

leurs paroles sont crachats
et leurs pensées sont néant

toi
tu es au milieu d’eux
à te demander comment te rendre à un resto
sans avoir à prendre l’autobus

tu n’oses pas leur demander
de peur de les rendre dingues
tu marches alors vers nulle part
à travers les rues d’une saleté presque aussi grandiose
que celle de ceux qui marchent dessus

tu voudrais leur marcher sur le corps
tu n’es pas assez grand
trop petit
tu ne fais que ruminer les pensées abjectes qui flottent en toi
c’est tout

la trouille
elle te prend aussi
par les tripes
par les couilles
par le cul
par l’estomac

tu la vomis cette trouille
sur les passants indifférents
ruminant leurs pensées abjectes se noyant en eux

toute la journée tu cherches
et ton estomac
boyaux tordus et remplis de merde
rugit du plus profond de ses entrailles

la faim fait fuir la trouille
ton corps fétiche finit par fanfaronner
sur un trottoir fangeux d’aquosité fondue par le soleil furieux
furieux de se sentir seul
furieux de sa félicité fébrile
furieux
tout simplement

donc
il brûle les bâtiments ternes
il brûle les macadams massacrés
il brûle les vêtements
les excréments laissés en cadeau par quelque chien
il brûle la peau
et le cerveau

c’est la trouille du soleil qui surgit du conscient atteint des marcheurs éternels

toi
tu as trouvé un endroit où manger
derrière un grand bloc de pierre de plusieurs étages
une poubelle dévoile ses plus beaux attraits
et tu manges
tu manges une lasagne à demi entamée
tu manges un beignet violé par une confiture de fraise
tu manges les restes d’un rat mort de faim
tu bois les fond de bouteilles
et tu en fais un mélange pour les dieux

festin de rois
festin de gueux

classification insignifiante chez les fientes
qui marche à pas de puce sous une lune déchirée par la trouille
et qui retrouveront leurs taudis de marbre et d’or
au ciel ou sous terre

10 mai 2002

3 commentaires:

Anonyme a dit...

Jamais je n'aurais su rendre avec autant de justesse, de sensibilité et de pitié/dégoût ce que j'éprouve envers l'humanité que ce texte.

Merci.

Luc Pelletier a dit...

Ça fait plaisir! :O)

il y En a a dit...

Pour du dégoût cher il y en a une luxueuse pelleter dans se texte. Une chose est sûre je n'aimerais pas être consciente que je te dégouter...