lundi 18 décembre 2006

LES MÉTAMORPHOSES

...Ou la fin d'une trève avec moi-même qui dura trop longtemps. Les chaînes se brisent, laissant peu à peu couler un magma froid et vert d'une inconscience tapageuse qui vient à peine de naître. À travers cette mare sonore, un coeur se met à battre doucement, douloureux dans les premiers battements, mais prenant goût au rythme qui demeure stable. La fin d'un commencement, l'aboutissement de quelque chose se produit enfin. De ce texte enrichi d'émotions fortes, douces, chaudes, amoureuses découlera le reste. Je devrais plutôt dire, les restes d'une mécanique déglinguée trop vieille pour bien fonctionner (ça vous rappelle quelque chose?).

Le quatrième volet est le volet de l'acceptation de ce que je suis dans le monde où je vis. Une acceptation froide, glacée comme les vents nordiques et ascérée comme les griffes d'un aigle sur la chair, mais tout de même une acceptation. Mais c'est avant tout la première véritable rencontre avec Celui qui est en moi, et non le regard d'un Moi face à un miroir. Je l'ai dit plus haut, les chaînes se brisent, et ce magma froid et vert se mettra en ébullition, la folie qui m'habite dansera finalement en harmonie avec moi.

"Les Métamorphoses" n'est donc pas qu'un poème d'amour (toute création finissant toujours par être un monticule d'égoïsme), mais aussi la réconciliation avec le côté lumineux (et cinglé, parce que j'ai toujours considéré mon côté fou comme étant une bonne chose) que j'avais mis sous une cage de verre. Cela reste tout de même une lumière voilée, qui prendra toutes les couleurs au fil des 25 prochains poèmes (des couleurs beaucoup plus brutes et piquantes qu'avant). Bienvenue dans l'alcôve de mon cerveau...

C'est sans doute pour ça que je le considère comme le plus beau poème d'amour que j'ai écrit. Le pire, c'est que ce volet s'est écrit dans une des périodes les plus dures pour moi, côté moral. L'année juste avant que je ne déménage à Montréal. Le point tournant fut ma rencontre avec une flûtiste de Montréal du nom de Jocelyne Roy qui m'a fait péter le coeur tellement j'étais amoureux.

Ce poème était pour elle, ainsi que tout ce quatrième volet.

les feuilles d’un arbre soudain battent l’air
bam…
bam…
au rythme de pas invisibles et prudents
ou d’un cœur qui bat
sur la musique assonante et enivrante

la pluie se met à tomber sur une feuille esseulée
la plus basse sur cet arbre géant
celle que toutes les autres cachent de leur ombre éthérée
elle part dans le vent
suivant toujours ce rythme fantôme
s’envole dans l’air humide et dans le ciel d’azur
vers une plaine verte et fleurie de nénuphars

sur l’un des végétaux se tient une bête poilue aux grands yeux
qui sont des caméléons dans tout ce vert en suspension
et la feuille lentement s’approche
rayonnante d’eau de pluie reflétée par un soleil chaud
elle se pose près de l’hirsute créature
bam…
bam…
le vent de gauche à droite à gauche
fait ployer légèrement les tiges foncées
de ces nénuphars flottant dans l’air
sifflements doux au ras du sol

de ses doigts délicats de bête aux grands yeux
l’énigmatique prend la feuille qui se métamorphose à son touché
crevant l’illusion de la confusion des rencontres
et sous ses yeux à elle
la bête de muter de même

plié sous le poids qui augmente doucement
au rythme de pas invisibles
le nénuphar se rompt
et deux cœurs de suivre leurs mouvements
bam…
bam…
une feuille qui jadis fut se tient là dans la verte plaine
l’angélique aux ailes rayonnantes
qui sous la pluie tombant sur tout
lance à l’être devant elle un sourire émancipateur pour le sentiment
ses mains tiennent ses mains
et d’un cœur répondant à l’autre
bam…
bam…
se joue la musique sortant des herbes trempées
la musique qui perce un regard d’émeraude
oubliant la folie d’un jour sans pluie
qui suit le rythme des gouttes frappant le sol ruisselant

eux
ombres denses aux côtés des nénuphars inondés
par l’entendement des échos d’une clarinette claire
entre le temps du jour et le calque de la nuit

eux
descendant au fond d’un antre formé de plantes aquatiques
transformées en mille bougies éclairant leur voie

eux
suivant le rythme de leurs pas bien visibles
bam…
bam…
débouchant aux confins d’une voûte étrange
cavité circulaire démembrant un volume ouvert aux pages neuf et dix
d’où sortent en volutes multicolores
la Goraan’biopè
image diffuse de multiples rencontrent anticipatrices
envoûtant des peuples animés par les pierres de l’échafaud

eux
n’ont qu’à fermer le livre pour repartir
et annihiler la pensée abstraite d’un manque à la vie
ils n’ont rien à envier aux astres
maintenant devenus vaisseaux fantômes dans la tempête

il ne font que marcher et jouer leur musique
bam…
bam…
au rythme de leur pas les menant au dehors
vers la lumière du soleil pleuvant sur la terre inondée de leurs coeurs

12 mai 2003

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