vendredi 1 décembre 2006

CRASSE

Version améliorée de "Ode au Gras". Plus sombre, plus pessimiste, plus étendu. C'est tout un peuple qui se voit avalé par une machine qu'ils ont construite mais sur laquelle ils n'ont plus aucun contrôle. Comme plusieurs trappes (physiques et psychiques), il est aisé d'y entrer, mais tellement difficile d'en sortir...

C'est comme si on s'habituait à cet état de prison et que le cerveau finissait par se construire de la même façon, essayant à son tour de construire le monde et les gens qui l'entourent de cette façon. C'est le problème du cercle viscieux qui fait alors surface et la peur de l'extérieur surgit: on ne veut pas se faire prendre dans ce piège. On a finit par être trop bien dans sa propre crasse...


habitants des ordures
ces ordures endurent la dure symphonie de la poubelle
clairons encrassés de merde
de restants stomacaux
et de sperme séché

vite
il faut fuir cet immonde plateau humide et chaud
affronter la froidure du dehors dangereux
puissent-ils célébrer enfin la pureté
et non l’impureté

épreuve insoutenable qui dure des jours
ils sont prisonniers
torturés de toutes parts par la Crasse
des croûtes épaisses s’amoncèlent sur leurs corps déjà souillés
papillons morts et poussière volatile
se fondant en une gélatine qui absorbe les habitants écoeurés

il semble que la Crasse s’épaissit chaque jour
chaque inspiration devient de plus en plus ardue
et certains expirent avant la fin

vers les derniers jours
lorsque la lumière salvatrice se fait enfin voir
la plupart se sont habitués à leur état d’ordure
et ont fait de la Crasse leur amie convoitée

les autres peinent et regrettent ceux perdus
ils montent éternellement
semble-t-il
leurs bras fatigués s’agrippent péniblement aux ordures
et leurs jambes sont retenues par les bras des Rats
les convertis tentent de ramener les autres vers les tréfonds
dans le bas-ventre d’une entité grossissant maintenant à vue d’œil
dans la bouche béante et puante
à qui il aurait été sage de dire :
« la mort est moins pire que ta puanteur !
que tes muqueuses explosent et s’imprègnent de la Crasse
avale-la tout entière
que nous puissions déguerpir vite fait de ce lieu trop familier ! »
le silence de la servitude est le seul à répondre
et à se répandre sur ceux qui luttent encore

bien des générations passent ainsi
témoins de l’expansion déficiente de la Crasse
et l’oubli de la lumière
naguère seule source d’espoir et de conscience
l’oubli vient réconforter les Rats
tous

embranchements de boyaux
c’est tout ce qui anime les habitants des ordures
marcher au milieu de leur inconfort inconnu
est tout ce qu’il connaîtront jusqu’à leur mort
la Crasse
elle
ne cesse de s’étendre autour d’eux
et dans leurs esprits
l’ordre dure

2 février 2003

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