mardi 4 avril 2006

Les frigos de l'Enfer - ISOMÉTACACOPHONIE

Il fallait que je vienne m'extasier de ce fait : je suis assis devant mon ordinateur et je n'entends pas le frigo à l'autre bout de l'appartement! Quelle joie, quelle merveille que d'avoir changer le putain de frigo bruyant comme un avion contre un autre! Je pense que nous allons tous dormir mieux cette nuit...

Je peux maintenant m'entendre penser, ce qui n'est peut-être pas une bonne chose, après tout, et je vais vous laisser une autre poème, "Isométacacophonie" pour fêter ça!


C'est une incompréhension stupide
qui m'assaillit de toutes parts
quand je regarde ma tête qui se vide
en un magma fluide et noir.

Mon coeur ne comprend pas
pourquoi je réagis ainsi, toujours
sans aucune issue vers le jour
où je quitterai enfin ces trépas.

Un vent glacial souffle à ma figure
alors que le Train-Pour-L'autre-Côté
siffle son séjour bref, fumée vers l'azure
aussi sombre que mes courtes pensées

Cependant, un nuage parvient à percer
le ciel lugubre, et tombe sur moi une pluie
faisant fondre ma peau qui s'enfuit
dans les pénombres blanche de l'été.

Mon âme s'échappe alors de mon crâne
et pourrit dans l'air comme une rose qui se fane
en un millier d'épines cadavériques
avec la Mort, en main son fanal et sa brique.

Je traverse la Rivière Maudite
avec dans mon estomac un retournement
de toute ma honte et ma gêne, infiniment
présentes dans ma personne en fuite
face au monde, face à moi-même
mais aussi face à tout ce qui pourrait
enfin éveiller la créature de la forêt
mon esprit, mon âme, mon coeur sans baptême.

30 mai 1998

On pourrait facilement comparer ce poème avec "Morbide Ascension", que vous pouvez lire plus bas vu que c'est un des premiers que j'ai mis ici. L'image de l'âme qui sort du crâne, la conscience qui fuit le corps. On verra cette métaphore de plus en plus souvent par la suite, mais d'une façon plus subtile pour la plupart du temps. La coupure de la conscience avec la réalité sera beaucoup plus flagrante dans les derniers poèmes du premier volet (il en reste encore pas mal), mais surtout dès les premiers textes du deuxième volet.

C'est aussi au court du deuxième que je prends conscience que je ne veux plus écrire pour moi-même. Il faut que les autres me lisent, à la limite ils doivent subir ces textes. Ce sont donc des poèmes en apparence moins tournés vers mon nombril et plus vers le monde extérieur. J'écris "en apparence" surtout parce qu'il est impossible d'écrire quelque chose qui n'est pas un tant soit peu tourné vers notre ego, puisque les mots sortent de notre esprit, on les arrache avec peine à une inexistence latente pour en faire un univers construit par notre seule pensée. C'est l'une des raisons qui me font dire que l'objectivité n'existe pas, ce n'est que trompe-l'oeil, et les enseignants le savent, ils aiment nous voir nous débattre avec nos propres mots. Nous tentons vainement de nous détacher de la Phrase, mais c'est comme tuer son propre enfant, on ne peut le faire sans en ressentir après une angoisse inquiétante, comme si une partie de nous avait totalement disparue.

Bref, c'est un peu ça que veut dire le poème. C'est l'angoisse du détachement qui provoque le chaos (ou que provoque le chaos, selon le point de vue). "Isolement métaphysique cacophonique": l'ultime solitude du schyzophrène qui se retrouve pris dans son propre univers sans pouvoir en sortir. Mais c'est aussi l'univers intérieur autistique ou, à un bien moindre niveau, celui du lunatique, toujours parti dans sa tête à penser à n'importe quoi sauf le moment présent. Représentation de mon univers intérieur, en quelque sorte. Bruit de fond constant de mots dans la pensée, perte fréquente de concentration propice à la création spontanée qui surviendra plus souvent en 2000-2001, lorsque je suis à l'université tentant de m'intéresser en vain à des cours qui ne me stimulent pas, mis à part l'enthousiasme des profs.

On ne peut pas se couper du mot. Ce mot, c'est nous, il nous façonne tout au cours de notre vie au même titre que nous le façonnons sans cesse. En le créant il nous crée, puisque c'est dans le langage que nous sommes. Je parle de toutes les formes de langage. Parole. Écriture. Art. Religion. Guerre. Corps. Expressions.

Je suis ce que j'écris et j'écris ce que je suis. Il ne peut en être autrement. C'est la fatalité de l'être humain depuis qu'il a acquis la parole.

2 commentaires:

il y En a a dit...

Trop malade tes textes, mais que j'ai hâte d'entamer le deuxième volet les années 1998-1999 me donnent l'impression que cela duré une éternité tellement que tu d'écrits.

Heu.. en passant dans ton poème dans cette phrase: faisant fondre ma peau qui s'enfuit
dasn les pénombres blanche de l'été.'' tu as inversé les lettre du mot dans.

Luc Pelletier a dit...

Merci! C'est corrigé! :O)